Alors que la technologie donne la possibilité à tous de travailler à distance, certaines entreprises du numérique imposent à leurs employés de revenir au bureau. A présent, c’est au tour d’Amazon d’épingler certains de ses employés sur leur obligation de présence dans l’entreprise. Un courrier électronique partagé sur la messagerie Blind et validé par la firme, a été envoyé à certains collaborateurs qui « ne rejoignent pas leurs collègues au bureau, comme il est attendu d’eux, au moins 3 fois par semaine. » Amazon a précisé que le courrier électronique avait été envoyé aux employés qui avaient « badgé moins de trois jours par semaine pendant au moins cinq des huit dernières semaines [ou] qui n'avaient pas badgé trois jours par semaine pendant au moins trois des quatre dernières semaines ». Le géant du e-commerce a ajouté que si le destinataire avait reçu ce message par erreur ou s'il avait une raison particulière de ne pas se rendre au bureau, il devait s'entretenir avec son supérieur hiérarchique dès que possible. Un porte-parole de l'entreprise e-commerce a également souligné que cette politique ne concernait que les employés basés aux États-Unis, sans toutefois indiquer dans quelles circonstances certains employés pouvaient déroger au travail en présentiel et s'il y aurait des conséquences sur l'évaluation de leurs performances. 

En mai, plusieurs centaines de techniciens et d'employés administratifs du siège de l’entreprise à Seattle avaient organisé un débrayage, pour protester contre le retour au présentiel et notamment sur le nombre de jours pendant lesquels les employés devaient être au bureau. Les organisateurs de ce mouvement baptisés « Amazon Employees for Climate Justice », avaient reproché à la firme un « déploiement maladroit » de sa politique de retour au bureau pouvant menacer le succès à long terme de l'entreprise. Amazon a également annoncé le licenciement de plus de 18 000 employés en décembre dernier. Ce chiffre, qui représente la plus importante vague de suppressions d'emplois de l'histoire de l'entreprise, est le résultat d'un contexte économique incertain », selon une note du CEO Andy Jassy. Bien que les entreprises technologiques aient pris les devants en matière de télétravail lors de la pandémie de Covid-19, au cours des douze derniers mois, un grand nombre de poids lourds du secteur IT ont fait marche arrière sur l’organisation du travail au bureau.

Des collaborateurs en télétravail susceptibles d'être plus performants selon le Gartner

En début de semaine, l'éditeur de solutions de visioconférence Zoom a mis à jour sa politique en la matière pour exiger que tout employé se trouvant à moins de 80 km de son bureau fasse la navette au moins deux fois par semaine. Le mois dernier, Google a aussi exigé que la plupart des employés soient au bureau au moins trois jours par semaine et a déclaré de manière controversée qu'il prendrait en compte la présence au bureau dans l'évaluation des performances des employés. Selon un rapport de The Information, Meta prévoit également de mettre en œuvre un changement de politique strict en exigeant que ses employés soient au bureau trois jours par semaine à partir du mois de septembre. Une étude du cabinet Gartner a par ailleurs révélé que 69 % des chefs d'entreprise se disent préoccupés par le degré de collaboration, de culture, de créativité et d’engagement de leurs collaborateurs. De même, 54 % des responsables des ressources humaines estiment que leurs employés sont moins liés à leur entreprise qu’ils ne l'étaient avant la pandémie.

Pourtant, cette étude montre que les employés sont 1,6 fois plus susceptibles d'être plus performants lorsque leurs équipes étaient dispersées dans des lieux et des fuseaux horaires différents. En outre, parmi les salariés qui font preuve d'une totale flexibilité au travail, 53 % affichent un niveau élevé de connectivité à leur entreprise, contre seulement 18 % de ceux qui font preuve d'une faible flexibilité. « En réponse à la pression croissante et à une récession potentielle, de nombreux dirigeants prévoient de mettre en œuvre des politiques de retour au bureau en 2023 afin d’avoir le contrôle sur le lieu de travail », analyse Caitlin Duffy, directrice RH chez Gartner. Cette dernière estime au contraire qu'imposer une approche du travail centrée sur le bureau est une erreur, dans la mesure où les divers avantages du travail hybride ne sont pas pris en compte. Elle cite également le « fait important » que de nombreux employés sont nettement plus productifs et plus engagés dans une organisation de travail hybride.

Des manquements sur l'optimisation des pratiques de travail

Le problème que rencontrent les dirigeants n'est pas le résultat du travail hybride, mais l'incapacité à l'optimiser pleinement, considère la spécialiste RH de Gartner, arguant qu'une culture d'entreprise affaiblie n'est pas le résultat d'une réduction du nombre d'employés sur place, mais d'une incapacité à construire intentionnellement une organisation reposant sur un mode de travail mixte. « Les entreprises qui résistent au travail hybride s'exposent à des risques en termes de réputation et d'attrition à long terme et entravent leur compétitivité à long terme dans ce qui sera inévitablement une société plus virtuelle à l'avenir », projette la dirigeante en conclusion.