Le même logiciel d'imagerie 3D qui permet à Airbus de concevoir des avions et à AMD de tester ses designs de processeurs pourrait également aider les cardiologues dans le traitement des maladies cardiaques et réduire les dépenses du secteur de la santé. Dassault Systèmes dispose depuis longtemps d'une solide réputation en matière de logiciels de conception 3D. Ses solutions sont utilisées dans des secteurs industriels aussi divers que l'aérospatiale, la fabrication de produits manufacturés ou l'architecture. Hier, Dassault Systèmes a dévoilé un logiciel capable de créer des modèles 3D simulant un coeur humain. Selon son PDG, c'est le premier logiciel du marché à offrir une telle capacité. « Le monde vole avec notre logiciel. Mais le monde ne vit pas encore avec lui », a déclaré Bernard Charlès dans une interview. Le secteur de la santé n'est pas un marché tout à fait nouveau pour Dassault Systèmes. De nombreux matériels médicaux et fabricants d'appareils utilisent les logiciels de l'entreprise basée à Vélizy-Villacoublay (France) pour concevoir et modéliser leurs produits. Cependant, dans le cas présent, Dassault Systèmes utilise pour la première fois des données big data pour personnaliser les traitements cardiovasculaires. L'application, qui met en oeuvre une technologie déjà exploitée par d'autres logiciels 3D de Dassault Systèmes, compile l'échocardiogramme, les images IRM et les examens tomodensitométriques du patient, plus des données de recherche, pour créer un modèle 3D unique. Cette technologie pourrait contribuer à identifier les risques potentiels de certaines maladies cardiaques ou permettre à un chirurgien de réaliser virtuellement son intervention avant d'engager une procédure sur un patient. « Si j'étais chirurgien cardiaque, je ne voudrais pas m'engager dans une opération avant d'avoir répété avec le simulateur », a déclaré Bernard Charlès. « Le pourcentage de chirurgiens formés à l'usage des technologies virtuelles reste faible. Ils pourront se former et s'entraîner à pratiquer des procédures médicales complexes en utilisant notre plate-forme ».

Une démo réalisée à Waltham, Massachusetts

Le logiciel a été développé dans le cadre du Living Heart Project, qui fait travailler ensemble des cardiologues, des spécialistes en biomécanique et des professionnels de la technologie pour mettre au point une technologie de modélisation 3D pouvant servir aussi bien d'aide au diagnostic, que pour prévenir et traiter les maladies cardiaques. L'éditeur a fait la démonstration de son logiciel au siège américain de Dassault Systèmes à Waltham, Massachusetts : le logiciel a été exécuté à la fois sur un écran holographique de zSpace et sur les trois murs et le sol d'une salle. Dans les deux cas, les utilisateurs portaient des casques spéciaux pour profiter de la vision 3D.



Avec un stylet, les utilisateurs ont pu zoomer sur les images 3D du coeur apparaissant sur la tablette, visualiser les différentes parties de l'organe sous des angles divers, voir ses propriétés électriques et mécaniques et les systèmes nerveux et musculaire du corps, entre autres choses. Dans la salle, ils ont pu faire les mêmes manipulations avec des perspectives similaires, mais la sensation était beaucoup plus immersive. Les utilisateurs pouvaient, par exemple, explorer l'intérieur du coeur, se tenant debout à l'intérieur des ventricules et des artères. Un genre de joystick a servi pour la navigation.

Un modèle numérique complet pour la santé

Lors de la répétition d'une intervention chirurgicale sur un modèle 3D virtuel, le système enregistre également toutes les explications concernant l'usage de certaines procédures pendant l'opération. « Le chirurgien ne pourrait pas retranscrire ces actes sur un document papier », a déclaré Bernard Charlès. « C'est trop difficile à décrire. Par ailleurs, le chirurgien peut avoir besoin de visionner plus tard l'acte chirurgical, pour savoir pourquoi il avait pris telle ou telle décision au moment de l'opération ». Ces expériences sont très importantes pour le futur. « L'usage de cette technologie dans les environnements cliniques peut aussi contribuer à un meilleur contrôle des dépenses de santé », a ajouté le PDG de Dassault Systèmes. Le secteur de la santé pourrait apprendre à mieux tirer parti des technologies de l'industrie aérospatiale. Ce secteur fabrique également des produits techniquement complexes avec la contribution d'une multitude de personnes. « Comment font les avions pour décoller ? », a-t-il demandé. « Au coeur de tout ce qu'ils font, il y a un modèle numérique complet. C'est ce que le secteur de la santé est en train de découvrir aujourd'hui ».



« Les chirurgiens cardiovasculaires se rendent compte que l'imagerie 3D leur permet de mieux gérer leurs intuitions au cours d'une opération et qu'ils peuvent obtenir de meilleurs résultats et plus rapidement », a déclaré Julius Guccione, professeur résidant à l'Université de Médecine de San Francisco, Californie, qui a contribué au Living Heart Project. « Ils vont pouvoir éviter des explorations qui n'ont pas de sens, ou n'ont pas vraiment de base physique solide », a-t-il déclaré. « Compte tenu de la complexité de la chirurgie à coeur ouvert, les médecins qui opèrent ont « vraiment besoin d'aide pour savoir quelle quantité de matière enlever et à quel endroit », a-t-il dit. « La technologie pourrait également permettre de définir le meilleur moment pour engager une procédure et éviter des opérations supplémentaires », a-t-il ajouté. Ce dernier fait remarquer que l'imagerie 3D apporte déjà des avantages cliniques. « Une autre application d'imagerie holographique utilisée dans la planification de l'opération chirurgicale permet de réduire le temps d'une intervention de plus de la moitié », a-t-il encore déclaré. « Cela permet clairement de faire des économies et améliore probablement le résultat dans la mesure où le patient reste moins longtemps sous anesthésie », a-t-il ajouté.