Le DSI de National Trust for Places of Historic Interest or Natural Beauty, communément appelé National Trust ou NT, Jon Townsend, énonce quelques vérités sur le développement durable. Il y a cinq ans, il a remarqué que, dans le secteur de l'IT, le message n'était pas d'atteindre zéro émissions carbone nettes, de tenir les engagements ESG (environnement, social, gouvernance) ou d'être plus durable, mais plutôt que les entreprises deviennent « plus grandes, meilleures, plus rapides ». « Nous devons changer ce discours, et faire passer le développement durable en tête des priorités », estime-t-il. Selon Jon Townsend, l'accord de la COP-26 à Glasgow (Écosse) l'année dernière, les changements visibles dans les conditions météorologiques et la sensibilisation accrue au changement climatique sont en train de renverser le cours des choses. En tant que DSI d'une association à but non lucratif engagée dans la conservation et la mise en valeur de monuments et de sites d'intérêt collectif, plus grande ONG de ce genre au Royaume-Uni, il reconnaît que cette dernière, vieille de 125 ans, n'a d'autre choix que de montrer l'exemple. Après tout, si National Trust, qui part du principe que les êtres humains veulent « du calme, de la beauté et de l'espace », ne peut pas y parvenir, quelles sont alors les chances des autres institutions ? « Ce n'est facile pour personne, mais pour moi, nous devons commencer par être transparent sur ce que l'on essaye d'accomplir et sur l'ampleur du problème que l'on essaye de résoudre », affirme Jon Townsend. « Et en la matière, on peut soit être proactif et considérer le développement durable comme un élément nettement positif pour son organisation, soit attendre que ses consommateurs, sympathisants, membres et clients nous disent qu'ils s'en préoccupent », ajoute le DSI.

Le développement durable commence par la visibilité

National Trust supervise près de 1300 kilomètres de côtes, 250 000 hectares de terres et un million d'oeuvres d'art réparties dans 500 bâtiments historiques. Compte tenu de ce patrimoine, Jon Townsend admet que l'organisation caritative est mieux placée que d'autres pour répondre à la crise climatique, mais il maintient qu'elle est confrontée à un défi important en matière de données et de rapports, en particulier quand elle essaye d'examiner les émissions de portée 3, c'est-à-dire les émissions indirectes qui se produisent dans la chaîne d'approvisionnement de l'entreprise. Les émissions de portée 1 sont des émissions directes provenant de sources possédées ou contrôlées par une entreprise ; la portée 2 couvre les émissions indirectes générées par l'achat d'électricité, de vapeur, de chauffage ou de refroidissement ; et la portée 3 couvre l'élimination des déchets, les déplacements quotidiens et professionnels des employés, ainsi que les biens et services achetés. « La première chose à faire est de s'assurer que nous disposons des données nécessaires pour comprendre les émissions sur ces trois périmètres », explique Jon Townsend, qui a précédemment occupé des postes de direction dans le domaine de la technologie et de la sécurité au sein du ministère du Travail et des Pensions (Department of Work and Pensions, DWP) et du ministère de la Défense (Ministry of Defence, MoD), avant de devenir directeur de la technologie et de la sécurité de l'information de National Trust en octobre 2015. « Il ne s'agit pas seulement de capturer le carbone, mais aussi de réduire les émissions, car l'équation est simple : on peut capturer davantage de CO2, mais si l'on émet toujours le même niveau de carbone, on ne peut pas résoudre le problème », observe-t-il. « Il est important pour nous, mais aussi pour toutes les organisations IT du monde entier, de penser aux émissions de portée trois, aux personnes avec lesquelles on travaille et au sérieux avec lequel elles prennent en compte le sujet ».

Pour Jon Townsend, qui est également le chef de la stratégie de l'association, l'obtention de résultats en matière de développement durable passe par la manière de communiquer le message, tout comme on parle de réduction de coûts lorsqu'on souhaite faire passer un message au DAF. En d'autres termes, il s'agit de transmettre l'impact des démarches responsables d'une manière facilement compréhensible pour les employés de l'organisation. « Il s'agit d'identifier les domaines dans lesquels on peut faire la différence et raconter cette histoire aux gens », explique le DSI. Il a toutefois une mise en garde à formuler sur la façon dont l'histoire se déroule. « Nous veillons à ne pas avoir l'air trop moralisateur ou à ne pas donner l'impression qu'il s'agit d'une sorte de relation parent-enfant », prévient-il. « Il s'agit de raconter une histoire de manière que les gens la comprennent, qu'elle soit facile à intégrer et qu'ils puissent s'y identifier ».

Impliquer l'IT dans les projets de développement durable

Dans le cadre de sa stratégie globale 2025, National Trust s'est engagé à rattraper son retard en matière de communication, à réduire sa consommation d'énergie de 15 % et à s'approvisionner à 50 % en énergies renouvelables d'ici 2020-2021, en prenant comme référence sa consommation de 2008. National Trust s'est également engagé à atteindre un bilan carbone nul dans ses activités d'ici 2030, avec l'ambition de planter 20 millions d'arbres et de créer 25 000 hectares de nouveaux habitats naturels. Le service IT de Jon Townsend a son propre rôle à jouer dans la réalisation de ces objectifs, qu'il s'agisse de prendre de meilleures décisions en matière de technologie, d'examiner minutieusement les références écologiques des fournisseurs informatiques ou d'éduquer les employés sur leur impact carbone. Par exemple, en ce qui concerne les fournisseurs, l'équipe travaille avec les partenaires matériels pour réduire les emballages en plastique, en faisant de la durabilité un facteur de décision clé dans la sélection des fournisseurs et des systèmes au cours des appels d'offres, et en recherchant une plus grande transparence de la part des fournisseurs sur leurs émissions de portée 1, 2 et 3. « Les systèmes qui ne sont plus utilisés correctement, comme les plates-formes d'analyse de données inutilisées, sont également décommissionnés rapidement », ajoute Jon Townsend. National Trust s'éloigne aussi des anciens datacenters énergivores, revoit à la baisse le contenu de son nouveau site web et introduit des capteurs IoT intelligents dans les bâtiments afin de surveiller les émissions.

La communication et l'éducation des collaborateurs sont tout aussi importantes. Jon Townsend explique que l'organisation à but non lucratif s'efforce de réduire le nombre excessif d'e-mails et de présentations PowerPoint, allant même jusqu'à parler des arbres sauvés lors de chaque réunion virtuelle. De plus, au sein du département informatique, l'équipe utilise la technologie pour surveiller les émissions et pour réduire le stockage des données, afin de rendre l'archivage plus efficace. La mesure de l'efficacité est bien sûr essentielle pour voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. « Nous aidons l'organisation à comprendre ses émissions globales et à mesurer les émissions totales résultant de la technologie, à la fois au sein de l'organisation et dans notre chaîne d'approvisionnement », explique Jon Townsend à propos des mesures de développement durable. Il appelle également les fournisseurs à être aussi transparents que possible sur les émissions de leur propre supply chain. Le DSI ajoute que National Trust mesure ses progrès dans ce domaine en suivant tout ce qui concerne la capture du carbone, la gestion de l'eau et l'utilisation des matériaux, ainsi que l'impact de ses activités, projets et chaînes d'approvisionnement sur la nature et les personnes. L'organisation mesure également son impact RSE avec des frameworks comme BREEAM (Building Research Establishment Environmental Assessment Method), LEED (Leadership in Energy and Environmental Design) et le standard WELL pour la santé et le bien-être au travail.

Un rôle central dans les démarches responsables

Au sein des entreprises, les DSI ont beaucoup étendu leur responsabilité en matière de développement durable, que ce soit en contribuant à la stratégie, en devenant des sponsors exécutifs pour les programmes responsables ou en contribuant activement aux objectifs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) via leurs stratégies informatiques. Pourtant, des études antérieures ont suggéré que le développement durable est loin de figurer sur leur liste de priorités. Il n'est pas toujours facile de d'inscrire les objectifs RSE (responsabilité sociétale des entreprises) dans la fonction du DSI, mais Jon Townsend estime qu'il doit soutenir ces initiatives plutôt que les diriger. « Il faut des DSI qui comprennent l'impact sur la nature, l'agriculture et sur ce qui nous reste », a déclaré le DSI de National Trust, pour qui le directeur de l'ONG est le meilleur candidat pour piloter les initiatives de développement durable. « Nous gérons plusieurs milliers de propriétés et de gîtes que nous louons. Pour moi, ce n'est pas une mission qui relève de la DSI ». Dans le cadre de l'association, qui compte près de six millions de membres, Jon Townsend s'entretient régulièrement avec les conseils d'administration sur le sujet. Il invite aussi l'équipe chargée du développement durable de l'organisme caritatif à rencontrer le service IT et à participer à sa réunion trimestrielle de direction, afin de comprendre ce que lui et son équipe peuvent faire de plus dans le domaine IT. Il admet cependant que ce rôle peut varier. Par exemple, une entreprise de services financiers plus petite, qui utilise des technologies numériques et qui possède peu de biens immobiliers, peut adopter un point de vue différent. « En fin de compte, le développement durable devrait être la priorité de chaque dirigeant », ajoute-t-il.

Miser sur le cloud pour se renouveler

National Trust a déclaré avoir perdu 200 millions de livres de revenus d'exploitation à cause de la pandémie de Covid-19, et Jon Townsend a admis que c'était une période délicate pour une organisation dépendant du financement de ses donateurs. « La plupart des organisations ont connu des moments difficiles ces deux dernières années, et ce n'est pas différent pour nous », admets le DSI. « Cependant, je pense que l'une des leçons que nous avons apprises, c'est que la technologie sous-tend tout ce que nous faisons », confie-t-il. Les canaux numériques sont devenus un autre moyen d'atteindre les soutiens et les clients. Une campagne de collecte de fonds a ainsi permis de réunir 1 million de livres sterling en 21 jours pour que National Trust puisse acheter 700 000 mètres carrés de terrain autour des falaises blanches de Douvres. Plus récemment, dans la foulée de la pandémie, National Trust a utilisé les canaux numériques pour proposer des visites virtuelles de lieux et de jardins, ainsi que des recettes de cuisine.

National Trust, qui en est à sa deuxième vague de transformation numérique, a commencé à mettre en place une nouvelle plateforme d'adhésion et de collecte de fonds, construite sur Service Cloud, Marketing Cloud et Experience Cloud de Salesforce, ainsi qu'une nouvelle plateforme de données d'entreprise construite sur Snowflake et hébergée sur Azure de Microsoft, qui est utilisée avec Alteryx et Tableau pour fournir des analyses de données, des informations et des rapports. De plus, National Trust a livré une nouvelle plateforme d'intégration d'entreprise utilisant les services d'intégration de Microsoft Azure, et construit une plateforme numérique pour le site Web de l'association, en utilisant le système de gestion de contenu open source Bloomreach CMS et en l'hébergeant sur AWS. Selon le DSI de National Trust, le site Web améliorera les fonctions d'accessibilité et devrait réduire l'impact carbone du site de 50 %. L'objectif est de relier les expériences numériques et physiques afin que National Trust puisse continuer à aider les gens dans les moments difficiles. « Nous voulons que les gens puissent faire l'expérience de la nature, de la beauté et de l'histoire, et être quelque peu soulagés de toutes les pressions qu'ils subissent dans le reste de leur vie », affirme Jon Townsend.