La Commission Européenne vient de lancer une consultation auprès des industriels et des citoyens européens pour connaître leur souhaits quant à la politique européenne des brevets. Après le rejet par le parlement européen de la directive sur la brevetabilité logicielle et les échecs subis au cours des dix dernières années pour mettre en place un système unifié de brevet à l'échelle de l'Union, la Commission européenne souhaite relancer les débats pour créer un système de protection des brevets à l'échelle de l'UE. Dans un communiqué, le Commissaire responsable du Marché intérieur et des services, Charlie McCreev, explique que «des règles satisfaisantes régissant la propriété intellectuelle sont essentielles: en stimulant l'innovation et en entraînant le développement réussi de nouveaux produits, elles contribuent à la croissance et à l'emploi. Nous souhaitons optimiser ces avantages en Europe en créant un véritable Marché unique pour les brevets".

Cette consultation ne vise pas spécifiquement le domaine du logiciel mais elle pourrait ramener sur le devant de la scène le débat sur la brevetabilité des programmes informatiques. Elle devrait donc susciter l'attention des différents acteurs de l'industrie informatique, qui se sont déjà largement écharpés sur le sujet tout au long de 2005.

Un débat relancé alors que la FSF publie le premier brouillon de la GPL 3

Ironiquement, le projet de la Commission est tombé le jour où la Free Software Foundation (FSF) publiait le premier brouillon la licence GPL (GNU General Public License) version 3, une nouvelle édition de la plus connue des licences libres qui s'attaque à deux sujets chauds du moment : les brevets logiciels et la gestion des droits numériques ou DRM (Digital Rights Management).

Ce premier brouillon est la première révision de la licence depuis 15 ans et il pourrait à terme affecter tout le secteur du logiciel libre. Il prévoit notamment une notion de "bouclier" destiné à protéger les utilisateurs finaux contre les attaques pour violation de brevets. Il vise aussi à empêcher l'utilisation de logiciels GPL dans les logiciels ou équipements dont l'objectif est la gestion de droits numériques. La FSF a d'ailleurs adopté un discours offensif vis-à-vis des DRM qu'elle qualifie de logiciels de restriction des droits numériques (Digital Restriction management).

Nous tentons de faire ce que nous pouvons, pour lutter activement contre la propagation des DRM" explique Eben Moglen, l'un des auteurs de la nouvelle GPL 3. La disposition de la GPL appliquée au DRM envoie un message aux constructeurs d'équipements qui utilisent des logiciels GPL dans leurs produits, explique Moglen :"Ne tentez pas de dire nous pouvons construire des lecteurs MP3 à 50$ car le logiciel ne nous coûte pas grand-chose, tout en tentant de museler les utilisateurs et la musique".

La disposition sur les brevets prévoit, dans sa rédaction provisoire, que si un distributeur de logiciel distribue un programme qu'il sait reposer sur une technologie brevetée, il doit protéger les utilisateurs contre toute poursuite en violation de brevet. Selon la FSF, la question des brevets est un problème sérieux, mais la fondation n'a pas de solution toute faite pour le résoudre. Dans sa rédaction actuelle, le brouillon vise simplement à rappeler que la question des brevets ne peut plus être ignorée par la communauté.

Les débats sur la GPL 3 devrait se poursuivre tout au long du premier semestre avant la publication d'un brouillon final en septembre. Dans la pratique la version finale de la GPL 3 pourrait être ratifiée en octobre, même si la FSL se donne jusqu'à mars 2007 pour terminer ses travaux...

Robert McMillan, notre correspondant d'IDG News Service à San Francisco, a contribué à la rédaction de cet article (partie sur la GPL)