Quelques jours après le tollé provoqué en France par la loi dite DADVSI, les représentants de la chambre basse d'Outre-Rhin ont suivi la tendance initiée par leurs voisins français en accédant aux requêtes de l'industrie culturelle et en prévoyant des sanctions pénales contre le téléchargement de contenu protégé. Ils ont cependant marqué leur différence en autorisant la copie privée et en adoptant un arsenal répressif plus sévère que celui retenu par les édiles français. Jusqu'à cinq ans de prison Applicable à partir du 1er janvier 2007, le texte allemand punit le téléchargement pour usage personnel de contenu protégé de deux ans d'emprisonnement. Si les fichiers téléchargés font l'objet d'une exploitation commerciale, la sanction monte à cinq années de prison. Les députés allemands sont donc allés bien plus loin que leurs homologues français. Ces derniers ont en effet abandonné l'idée d'enfermer les internautes et ont adopté un traitement contraventionnel de l'infraction consistant à s'approprier un contenu protégé. Le projet initial du gouvernement allemand prévoyait des sanctions plus souples : il ne s'attaquait pas aux particuliers téléchargeant quelques fichiers via le P2P mais se focalisait sur les pirates aux idées mercantiles. Après de vives protestations des grands noms de l'industrie de la culture, épaulés par une partie du gouvernement, le texte a été finalement menanié. A grand renfort d'énormes chiffres, les éditeurs musicaux ou cinématographiques ont dressé un tableau noir des effets du piratage sur leur activité. Les internautes allemands téléchargeraient ainsi 20 millions de films chaque année, la Fédération de l'industrie phonographique affirme que 439 millions d'albums audio ont été piratés en 2005, et les bénéfices tirés des ventes musicales auraient reculé de 45 % depuis 1998. Dans le même temps, une étude Forrester Research montre que si le marché des CD audio passera de 9,1 à 7 Md€ entre 2006 et 2011, dans le même temps les ventes en lignes bondiront de 279 M€ à 3,9 Md€. De nombreuses oppositions au texte se font entendre Outre-Rhin, telle celle de Patrick von Braunmuehl, qui dirige la Fédération des associations allemandes de consommateurs. Selon lui, la loi "envoie un signal complètement faux à la société. Elle criminalise les consommateurs et va bouleverser les internautes". Outre la sévérité des peines, la transposition de la directive opérée par le Bundestag se distingue du texte français par l'autorisation faite à la copie privée. Alors que les députés de l'Hexagone ont ouvert le champ au "droit à zéro copie", leurs collègues germaniques admettent le principe d'une copie à usage personnel, à condition toutefois que la source soit elle-même légale. Mais la manoeuvre devient prohibée dès lors qu'elle implique un contournement de mesures techniques de protection. Une pratique que le droit français punit également ; les internautes s'y aventurant encourent désormais une amende de 3750 €. Le Danemark planche sur l'interopérabilité Après la France et l'Allemagne, le Danemark pourrait également réglementer le téléchargement. Mais dans un sens tout différent de celui de Berlin. C'est en effet sur l'interopérabilité que planche le ministre danois, inspiré par les dispositions de la DADVSI française sur le sujet - les rares mesures de la loi échappant d'ailleurs à l'opprobre générale des internautes de l'Hexagone. Géants danois ayant un pied dans la musique en ligne, TDC et Maersk sont également rivaux d'iTunes. Ce sont eux qui ont réclamé les premiers que leur gouvernement se prononce en faveur de l'interopérabilité : "nous demandons à nos responsables politiques de suivre la même route que la France", a ainsi réclamé Henrik Olesen, chef de produit chez Maersk. L'idée n'est pas pour déplaire à Brian Mikkelsen, le ministre de la culture. Celui-ci évoque la préparation d'un texte qu'il pourrait présenter au printemps 2007. Il se laisse d'ici-là quelques mois pour observer l'évolution du marché et les initiatives des principaux acteurs. Si un projet de loi posant le principe de l'interopérabilité venait à être adopté, Apple y verrait probablement un nouveau cas de "piratage sponsorisé par l'Etat".