A en croire Steve Brazier, le CEO du cabinet d'études Canalys, les revendeurs et les intégrateurs vont devoir préparer leurs clients à une douloureuse hausse des tarifs des opérateurs de cloud public. « Nous nous attendons à ce que les prix du cloud public en Europe augmentent d'au moins 30 % en 2023. Cela aura un impact fort sur nombre d'entreprises qui essaient de réduire leurs coûts et entraînera beaucoup de tensions entre elles, vous [Ndlr : le channel] et les fournisseurs de services hébergés », a-t-il déclaré lors d'une intervention au sein du Canalys Forum EMEA, relayée par The Register. Le marché américain devrait être lui aussi touché, mais dans une moindre mesure avec une inflation des tarifs attendue à +20% l'an prochain.

Le dirigeant de Canalys donne deux raisons principales à ce renchérissement, en commençant par l'explosion des coûts de l'énergie et en particulier ceux de l'électricité. Aggravée par l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022, celle-ci a débuté l'an dernier, au lendemain de la crise du Covid-19 qui a créé une forte augmentation de la demande mondiale. A titre d'exemple, en France, la facture d'électricité des entreprises a augmenté de 31% en moyenne entre les premiers semestres 2019 et 2022, selon le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. A cela s'ajoute désormais une montée en flèche des taux d'intérêt qui vise à juguler l'inflation mais renchérit le coût du crédit et donc celui des investissements des acteurs du cloud public dans leurs infrastructures.

Des clients pieds et poings liés

Pour Steve Brazier, le coût de l'infrastructure en constante expansion des opérateurs « est probablement le plus grand déploiement de capital qui ait jamais eu lieu dans une industrie, et cela se reproduit chaque trimestre, année après année ». Location ou achat des locaux, infrastructures réseau, achats de serveurs représentant près la moitié de la production mondiale... Les investissements à consentir sont lourds pour les fournisseurs de cloud public. « Nous estimons que les dépenses totales en capex des sept principaux hyperscalers seront de 140 milliards de dollars cette année », a-t-il ajouté. Il y a peu de chance que les entreprises puissent se soustraire à la hausse des tarifs de leurs fournisseurs de cloud public. Les coûts de réécriture d'applications pour les héberger sur d'autres plateformes, de migration des données ou encore de requalification technique des équipes internes seraient en effet trop lourds à supporter.  

Le seul point positif, s'il en est, qui pourrait ressortir de ce que vont devoir absorber les budgets des entreprises est que « la crise de l'énergie mettra en évidence l'impact du manque de concurrence sur le marché du cloud public », indique un opérateur britannique interrogé par The Register. Celui-ci espère que cela amènera l'autorité de régulation des télécoms du Royaume-Uni (Ofcom) à réagir. On serait en droit d'en attendre autant de l'Arcep et de ses homologues de l'Union européenne. Pour mémoire, AWS, Microsoft Azure et Google Cloud ont capté à eux trois 63% des 62,3 Md$ de revenus du marché mondial des infrastructures de cloud public au deuxième trimestre 2022.