Trois ans après le défi relevé par IBM de participer au jeu télévisé Jeopardy, le superordinateur Watson est devenu une division à part entière chez Big Blue. Après plusieurs années de recherche et même certains partenariats avec des universités sur l'intelligence artificielle et l'analyse du langage naturelle, le système cognitif d'IBM commence à trouver ses premiers usages dans les domaines de la santé et du commerce. Patrice Poiraud, directeur de l'activité big data et analytics chez IBM, nous a dressé un premier tableau des débouchés attendus pour Watson.

La médecine est toujours un des axes de développement avec un cloud privé Watson installé chez WellPoint, une mutuelle américaine rassemblant 39 millions d'adhérents. Pour accélérer les dossiers de demande de prise en charge de traitement contre le cancer, WellPoint et IBM ont mis à disposition de plusieurs centres de santé les ressources de Watson. A titre expérimental, le Medecin Memorial Sloan Kettering Cancer Center à New York bénéficie des capacités de traitement de Watson pour l'établissement de traitements contre le cancer. Le système ne délivre pas à proprement parler de chimiothérapies mais accompagne les oncologues pour mieux soigner les patients atteints d'un cancer des poumons. Watson ingurgite une très grande quantité de données médicales, relative aux précédents traitements utilisés pour la même pathologie et au patient lui-même, pour proposer des options aux médecins. « Comme le nombre de patients qui décède d'un cancer est de plus en plus élevé, le sujet est bien adapté aux traitements big data ». 1 500 médecins utilisent aujourd'hui le système Watson aux États-Unis pour peaufiner leurs prescriptions et dans le cas du Medecin Memorial Sloan Kettering Cancer Center, 15 000 dossiers ont déjà été traités par Watson ce qui représentent 600 000 combinaisons médicamenteuses évaluées. « Il s'agit bien ici de gagner du temps pour trouver le bon traitement », nous a précisé M. Poiraud.

Un renfort pour les centres d'appel

Autre exemple d'utilisation du système cognitif d'IBM, la DBS Bank à Singapour a commencé à alimenter un superordinateur Watson avec les connaissances de ses employés sur les produits financiers grand public. L'idée est ici de remplacer à terme une partie du travail de conseil en placements financiers réalisé par les conseillers bancaires et les centres d'appels. « Watson pourra engager une conversation pour expliquer à un client ce qu'est un produit financier et analyser son compte bancaire pour lui conseiller de souscrire le meilleur placement. Cet exemple n'est pour l'instant qu'au stade de projet  mais IBM espère convaincre des acteurs du marché des call center de revoir leur front office -en complément ou en optimisant leur plateau avec moins de monde - avec une solution comme Watson. Les centres d'appel connaissant en effet un turn over très important - la durée de vie d'un salarié est de cinq mois environ - l'utilisation d'un système cognitif avancé pour un support de niveau 1 permettrait de revoir l'engagement avec le client.



Patrick Albert, ancien d'ILOG et aujourd'hui à la tête du Centre d'Etudes Avancées d'IBM, est un des spécialistes français de l'intelligence artificielle. Il nous a détaillé les avancées d'IBM en informatique cognitive.

Autre client potentiellement intéressé par la solution Watson, The North Face qui développe une plate-forme capable de conseiller un client. Selon Patrice Poiraud, 750 entreprises veulent développer quelque chose autour de Watson Et certaines firmes françaises étudient la chose, même si le système Watson est encore indisponible en France faute de localisation. Mais comme aux États-Unis, la création d'une division Watson est bien à l'étude en France. IBM, qui a annoncé qu'il allait investir 1 milliard de dollars pour soutenir cette activité dans le monde, a d'ores et déjà mis 100 millions de dollars sur la table pour soutenir les initiatives des start-ups intéressées par les capacités de traitements cognitifs de Watson. Si une centaine de personne travaillent aujourd'hui sur Watson aux États-Unis (une poignée en France), à termes cette division sera forte de 2 000 salariés avec un siège social au 51 Astor Place à Manhattan, dans la « Silicon Alley » new-yorkaise. Reste que Manoj Saxena, le premier directeur de l'activité Watson Business Group, a déjà rendu son tablier pour rejoindre un fonds d'investissement dans la Silicon Valley. Naturellement, M. Saxena sera à la tête des investissements dans ce qu'on appelle des applications informatiques cognitives, en particulier celles reposant sur la plate-forme d'analyse de données Watson.