Contestant la fonctionnalité de reconnaissance faciale utilisée pour le marquage des photos sur le réseau social, l'autorité allemande chargée de la protection des données - Hamburgischen Beauftragten für Datenschutz und Informationsfreiheit (HmbBfDI), basée à Hambourg, a entamé des procédures préliminaires en vue d'intenter une action en justice contre Facebook. L'autorité a décidé de mettre fin aux négociations engagées avec le géant des réseaux sociaux, estimant qu'elles étaient inutiles, « dans la mesure où Facebook refuse d'accorder aux utilisateurs un consentement rétroactif. » En Allemagne, les lois sur la protection des données obligent les entreprises à informer clairement les utilisateurs sur la manière dont leurs informations personnelles sont utilisées. L'autorité de Hambourg fait valoir que cela n'a pas été le pas le cas quand Facebook a commencé à utiliser la technologie de reconnaissance faciale pour marquer les photos et suggérer d'autres amis.

En guise de compromis, Facebook a proposé d'ajouter une case à cocher par laquelle les utilisateurs peuvent accepter les termes, les conditions et la manière dont sont utilisées ces données. Mais l'autorité de Hambourg estime que cette solution ne suffit pas à légitimer la collecte et l'usage des données biométriques. Par ailleurs, cette case ne serait disponible que pour les nouveaux utilisateurs, ce qui signifie que ceux qui ont déjà opté pour le service ne pourront pas donner leur consentement a posteriori. Pour Johannes Caspar, Commissaire de Hambourg chargé de la protection des données et de la liberté de l'information, « ces mois de pourparlers avec Facebook ont débouché sur des résultats décevants. » Quant à Maik Möller, le porte-parole du Hamburgischen Beauftragten für Datenschutz und Informationsfreiheit, il a indiqué que l'autorité avait été mandatée par les autres représentations allemandes pour prendre toute action nécessaire, et une procédure judiciaire va être engagée auprès du Tribunal Administratif de Hamburg. « Facebook s'expose à une amende pouvant aller jusqu'à 300 000 euros et à une ordonnance d'interdiction, » a-t-il précisé.

Facebook n'a pas convaincu

L'entreprise de Mark Zuckerberg n'est pas d'accord avec l'autorité allemande. Elle estime que l'action judiciaire est inutile, parce que sa fonctionnalité est conforme aux lois de l'Union Européenne sur la protection des données. « Nous avons donné une explication claire et une information complète à nos utilisateurs en matière de suggestions d'identification sur les photos et nous fournissons à ceux qui veulent désactiver cette fonction des outils très simples pour le faire. Nous avons suggéré plusieurs options pour rendre les utilisateurs encore plus attentifs à notre politique sur la vie privée et nous sommes déçus que l'Autorité de Hambourg ne les ait pas acceptés, » a indiqué l'entreprise dans un communiqué.

Reste cependant une question liée à la compétence du tribunal, puisque le siège européen de Facebook est basé en Irlande. Selon le Professeur Joseph Cannataci, expert-consultant pour le Conseil de l'Europe sur les questions de protection des données dans l'espace européen et coordinateur du projet de recherche « Consent » sur le consentement, financé par l'UE, bien que la Constitution allemande protège le droit de la personne et le concept d'autodétermination informationnelle selon lequel « c'est le pouvoir de l'individu de décider lui-même, sur la base du concept d'autodétermination, quand et dans quelle mesure toute information relevant de sa vie privée peut être communiquée à autrui », les lois fondamentales d'autres pays de l'UE pourraient ne pas aller dans le même sens. Le projet « Consent » se concentre sur les questions de sécurité de la vie privée en relation aux réseaux sociaux en ligne et au contenu généré par l'utilisateur.

Une directive européenne sur la protection des données à revoir

Or « la directive européenne de protection des données de 1995 ne prévoit pas explicitement le droit à l'autodétermination informationnelle, comme la Constitution allemande, » indique le Professeur Cannataci. Par ailleurs, la directive n'est pas transposée dans les législations des États membres de la même manière. Si bien que les différentes autorités européennes de protection des données ne peuvent pas prendre des mesures identiques à celle de l'Autorité allemande contre Facebook. « La Commission européenne ferait bien de lancer et mettre en oeuvre une réforme globale du régime de la protection des données», a déclaré Joseph Cannataci, se référant à l'annonce faite lundi par Viviane Reding, Vice-présidente de la Commission européenne, en charge de la justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté, et par Ilse Aigner, le Ministre fédéral allemand chargé de la protection des consommateurs. Leur proposition de loi pour réformer la directive européenne sur la protection des données sera déposée d'ici la fin janvier 2012.

Aux États-Unis, Facebook doit également faire face à des procédures judiciaires liées à des questions de protection de la vie privée. La Federal Trade Commission (FTC) pourrait accuser le réseau social de pratiques commerciales trompeuses. La FTC a enquêté sur Facebook suite à la publication, en décembre 2009, de détails concernant certains utilisateurs après des changements dans les paramétrages de confidentialité du réseau social. Pour mettre fin à cette procédure, Facebook serait sur le point d'accepter de revoir sa politique de gestion des données personnelles, et de se soumettre à un audit sur la vie privée chaque année.