A quelques semaines du premier tour de l'élection présidentielle, le salon Solutions Linux a convié les représentants de quatre formations politiques à une table ronde intitulée « enjeux stratégiques et politiques du logiciel libre ». Le Libre n'est pas au coeur de la campagne - loin s'en faut - et ne semble pas passionner les présidentiables. En témoignent les nombreux désistements et remplacements de dernière minute parmi les participants au débat : l'UDF n'était pas représenté, le PS a envoyé Maurice Ronais en lieu et place de Vincent Feltesse, secrétaire national aux NTIC, les Verts ont troqué la présence de Martine Billard contre celle de Danièle Auffray, adjointe à la Mairie de Paris. Seuls Jérôme Relinger, pour le PC, et Bernard Carayon, pour l'UMP, ont respecté le programme en ne se faisant pas remplacer. De fait, ils étaient également les mieux préparés et semblaient maîtriser leur sujet. Force est de reconnaître que le débat n'a pas atteint des sommets. Plutôt que de débattre sur la place et le rôle que doit tenir le Libre, les quatre représentants des présidentiables se sont surtout opposés sur la loi DADVSI (droits d'auteurs et droits voisins dans la société de l'information). Un texte pour lequel Nicolas Sarkozy s'engage à faire un bilan dans un an - s'il est élu - affirme Bernard Carayon. Ce n'est pas un bilan qu'il convient de faire, rétorquent les trois autres, mais d'effacer cette loi jugée scélérate. Le PC indique ainsi qu'il prévoit l'abrogation de la loi, et le PS s'engage à « la remettre à plat ». Pour le représentant du candidat UMP, le discours est bien entendu différent. Bernard Carayon estime ainsi que la DADVSI aurait été bien meilleure « sans la saisine stupide du Conseil constitutionnel par le PS qui a ruiné les équilibres déjà instables auxquels nous avions abouti ». « C'est le Conseil constitutionnel qu'il faut blâmer, répond le socialiste Maurice Ronais, il est composé de 8 membres sur 9 désignés par la droite ». Si la DADVSI a accaparé l'attention des débatteurs, ils ont tout de même trouvé le temps d'aborder d'autres thèmes. Notamment celui du niveau d'engagement de leurs formations politiques en faveur du Libre en particulier, et des technologies de l'information en général. Un spectateur leur a notamment demandé « quand vous dites "nous", de qui parlez-vous ? », pointant du doigt les divergences au sein même des partis politiques. Bernard Carayon le reconnaît : tout le monde, à l'UMP, ne partage pas les mêmes sensibilités. Mais, consensuel, il ajoute que « ça fait partie de la vie d'un parti que d'avoir des divergences ». Pour lui, les choses sont claires : le "nous" englobe l'UMP dans son ensemble et le candidat Nicolas Sarkozy qui, assure-t-il, « a changé depuis quelques mois sur le sujet du Libre : il est ouvert et plein de bonne volonté ». Maurice Ronais tient, quant à lui, à donner une image d'un PS porté très largement sur la technologies, même si le projet socialiste ne consacre pas un chapitre spécifique à ce sujet et que peu de personnalités de premier plan s'impliquent sur ce terrain. Rappelant toutefois la rencontre entre Ségolène Royal et Richard Stallman, il estime que son parti partage très largement son intérêt pour le Libre et les lignes du projet consacrées aux TI. Jérôme Relinger, quant à lui, rappelle que Marie-Georges Buffet et le PC défendent le logiciel libre depuis onze ans : « nos postes sont sur logiciels libres, notre site est fait avec Spip ». Les porte-drapeaux des candidats en campagne ont été invités à décliner quelques propositions de leur champion en matière de technologie de l'information. Pour Jérôme Relinger, l'objectif final doit être la défense des intérêts collectifs : cela passe notamment par la commande publique, la création d'une agence publique du logiciel libre et la lutte contre les monopoles privés (via la création d'un pôle public des télécoms, la relance d'Exalead, etc.). Dans le clan sarkozyste, on met l'accent sur la nécessité d'une détermination sans faille s'appuyant sur ce qui a déjà fonctionné. Bernard Carayon se félicite ainsi de l'adoption récente du référentiel général d'interopérabilité (« ce ne sont pas des paroles, c'est du concret »). Il évoque par ailleurs la mise en place d'une validation des acquis par les CCI (Chambres de commerce et d'industrie)pour les internautes qui font ?uvre de travail collaboratif, le développement de pôles de compétitivité consacrés au logiciel libre et l'amélioration de la transmission du savoir avec les pays émergents. Il assure également que Nicolas Sarkozy organisera les assises du numérique après l'élection présidentielle. L'idée des pôles de compétitivité a été évoquée par les Verts, souligne Danièle Auffray, bien avant que Thierry Breton ne s'en préoccupe. Le parti écologiste pose comme postulat qu'il ne saurait exister de bonne politique sans publicité des biens de connaissance.