Les clients de VMware venus assister au salon VMworld 2010, ont finalement pu voir de près la plate-forme de virtualisation Hyper-V de Microsoft. Comparée avec la solution du leader, ils estiment que la technologie de l'éditeur de Redmond manque un peu d'ampleur et qu'il leur serait difficile de reprendre tout à zéro après avoir investi massivement dans la solution de VMware. Cet investissement implique non seulement de l'argent, mais aussi le temps et les formations qu'il leur a fallu pour améliorer leurs connaissances du système de virtualisation sur x86 le plus répandu au monde. "En quelque sorte, c'est comme si nous dirigions une boutique VMware. Nous tenons à l'expérience que nous possédons dans ce domaine, à ce que nous savons faire le mieux," a, par exemple, déclaré Chris Bennett, administrateur VMware ESX pour le cabinet d'avocats londoniens Linklaters. Le cabinet, qui a virtualisé 80% de ses serveurs avec VMware, avait récemment envisagé d'adopter la technologie Hyper-V - l'utilisation de l'add-on gratuit pour Windows Server, aurait notamment permis d'économiser un peu d'argent - pour virtualiser les serveurs de ses petites succursales à travers le monde. Mais Linklaters est finalement resté fidèle à VMware afin d'éviter des complications de gestion informatique. Ainsi, le cabinet peut utiliser les mêmes modèles de machine virtuelle dans ses antennes régionales que celles de son datacenter principal. "C'est essentiellement la connaissance que nous possédions de VMware en interne qui a motivé notre choix de ne pas nous orienter vers Hyper-V," a déclaré Chris Bennett. "Mise à part la connaissance que les clients ont de la technologie VMware, les accords de licence entreprise (ELA) passés sur le long terme pour l'utilisation du logiciel de virtualisation rend la transition difficile," explique Nik Gibson, consultant pour les usages bureautique chez Forsythe, un cabinet de conseil en technologie et par ailleurs ancien de VMware et de Citrix.  "VMware a fait une belle opération en liant ses clients par des accords de licence de ce type. Il est clair que, lorsque l'on a investi lourdement, on est moins tenté d'introduire un autre hyperviseur," explique-t-il. "VMware a fait un excellent travail de verrouillage qui engage de nombreux gros clients."

Hyper-V, un bon produit pour le test

Pour Chris Bennett, Hyper-V est un bon produit dans l'ensemble et certains membres de son équipe l'utilisent même de manière informelle, notamment pour le test et le développement. Le seul problème majeur tient, selon lui, à la manière dont le logiciel de virtualisation de Microsoft organise le stockage, qui, estime-t-il, est plus compliquée et plus difficile à gérer qu'avec VMware. Josh Gray, ingénieur système à la banque Aurora de Denver, qui a installé VMware pour le déploiement de ses serveurs virtualisés, fait la même remarque: «Je me suis brièvement amusé avec Hyper-V lors d'une session Microsoft, et je me suis rendu compte qu'il fallait plus d'étapes pour connecter des unités de stockage à des machines virtuelles dans Hyper-V que dans VMware." Du coup, il juge le processus de gestion un peu plus compliqué. "Microsoft a un long chemin à parcourir dans la virtualisation, un peu comme pour leurs téléphones mobiles", a-t-il estimé. "Il faudra vraiment qu'il apporte quelque chose de plus révolutionnaire pour prendre des parts de marché."

Raci Dearmas, ingénieur principal à l'Overlake Hospital de Bellevue (Washington), a également testé la technologie Hyper-V: "Elle est beaucoup plus complexe à gérer. Mais ce n'est pas tout. Nous avons déjà une équipe très habituée à VMware. Aller vers quelque chose de totalement différent et avoir deux systèmes distincts à gérer n'était pas idéal pour nous." D'autant que pour lui, la configuration des réseaux locaux virtuels s'avérait problématique avec Hyper-V. "C'est juste un produit moins mature,» a commenté son collègue, Joseph Wolfgram, directeur informatique de l'hôpital. Jason Morris administrateur systèmes chez Fermilab, un autre client VMware basé dans la banlieue de Chicago, affirme qu'il n'a pas encore essayé Hyper-V, mais considère que le prix élevé de VMware fait de Microsoft une alternative. L'ajout récent de la migration en direct rend aussi le produit plus viable. "Le coût de VMware rend sans aucun doute Hyper-V un peu plus intéressant et je vais le considérer de plus prêt,» a-t-il déclaré.

Des clients mis en avant par Microsoft

Microsoft tente de faire valoir que Hyper-V peut même être adoptée par les plus gros clients, signalant que CH2M Hill, une entreprise classée 520 au Fortune 500, envisage de délaisser progressivement VMware pour Microsoft. Mais CH2M Hill précise qu'il faudra trois à cinq ans à l'entreprise pour réaliser cette mutation, notamment à cause des licences logicielles et des contrats de maintenance existant. Mike Neil, le patron de la virtualisation chez Microsoft, affirme que la part de marché d'Hyper-V croit plus rapidement que celle de VMware. "Je suis assez confiant, nous sommes sur la bonne voie,' a-t-il déclaré. "Nous avons réussi à convaincre certains clients à le déployer dans leurs environnements." Paul Maritz, le PDG de VMware, s'est empressé de tempérer l'argument des parts de marché, faisant valoir que VMware était encore le leader incontesté en matière de déploiements de systèmes de virtualisation à grande échelle. Pour lui que l'augmentation des parts de marché de Microsoft tient essentiellement au nombre de personnes qui font appel à la technologie Hyper-V pour de petits projets. «En termes d'utilisation, nous possédons, et de très loin, la plus grosse part du marché des hyperviseurs installés dans les grandes entreprises », a t-il déclare lors d'une session de questions/réponses avec les journalistes. "Cela étant dit, Microsoft est clairement une entreprise qui dispose d'énormes ressources." Rappelons que Paul Maritz a travaillé de 1986 à 2000 pour l'éditeur de Redmond. Il connaît très bien  la firme et son mode opérationnel...

Un public déjà conquis pas les outils VMware

Certes, il n'est pas étonnant que les participants du VMworld 2010, une manifestation destinée à la clientèle de VMware, disent se méfier d'Hyper-V de Microsoft. Mais presque toutes les sociétés du classement Fortune 1000 utilisent VMware, et toutes les entreprises du Fortune 100 sont aussi des clients VMware. Microsoft aura du mal à convaincre la majorité de ces clients à changer, mais la solution de Microsoft est certainement une option pour les petites entreprises qui commencent à aller vers la virtualisation. "La clientèle qui s'intéresse à Hyper-V est généralement motivée par l'avantage financier. Ce sont aussi de nouveaux clients qui mettent en oeuvre leur premier déploiement de virtualisation," explique Anoj Willy, chef de projet pour INX, un revendeur, partenaire de Microsoft et de VMware. Pour Chris Bennett, s'il devait aujourd'hui démarrer un projet de virtualisation, entre VMware, Microsoft et Citrix XenServer, il choisirait quand même VMware à cause de ses applications de production.

Selon Anoj Willy,"même si Microsoft a amélioré la technologie Hyper-V, celle-ci reste en deçà de VMware en termes de taux de disponibilité et de stabilité. Malgré la migration en direct qu'elle offre aujourd'hui, Hyper-V ne peut pas déplacer en même temps autant de machines virtuelles contrairement à VMware," a-t-il ajouté. "En terme de capacité de production, ce n'est tout simplement pas comparable," a déclaré Anoj Willy, qui note cependant que "Microsoft est un géant" qui dispose d'un gros budget marketing et R & D, et une «capacité à se faire une place sur des marchés» dominés par d'autres. Mais pour le moment, Nik Gibson constate que la demande pour la solution Microsoft reste faible, en tout cas quand il s'agit de la plate-forme de virtualisation serveur que les clients utilisent en back-end de leurs déploiements de bureaux virtuels. «Je n'ai pas vu beaucoup d'Hyper-V," a-t-il déclaré. Mais "c'est sans doute aussi parce que nous traitons principalement avec de grands comptes."