Il est de bon ton pour les SSII de parler un double langage qui complexifie la compréhension, les rapports entre le salarié envoyé en régie, son employeur qui est la SSII, et le client qui l'accueille pour une prestation qu'il rétribue à la SSII. « Nous sommes une SSII pure player, spécialisée dans les technologies Microsoft et revendiquons le terme de SSII. C'est un concept valorisant, qui veut dire que nous fournissons des compétences que le client n'a pas. Mais nous ne sommes pas éditeur », annonce d'emblée Nicolas Chabrier, président d'Evaluant, entreprise créée il y a 6 ans. « L'informatique étant devenue complexe (Architecture N-tiers, webservices, collaboratif, ...), il doit sembler incongru aux personnes du marketing d'en parler simplement. Faire de la régie, c'est dévalorisant alors que faire des missions de conseil longue durée en architecture logiciel, sonne mieux ! », poursuit-il, déplorant que dans ce système l'hypocrisie soit de mise. Mais qui est aujourd'hui dupe des subtilités de langage ? Tout le milieu sait que certaines SSII embauchent à tour de bras des informaticiens hésitants sur certaines technologies et les envoient sans formation auprès du client. Résultat : des prestations médiocres voire mauvaises, des clients mécontents, un turn-over énorme et des expériences en régie et en SSII qui effraient les jeunes entrant dans le métier. Les forums regorgent d'expériences douloureuses et des listes noires régulièrement mises à jour dénotent un réel traumatisme pour certains informaticiens. Quant aux recruteurs et directeurs de communication, ils tentent de contourner la réalité en niant le côté « body shopping » inhérent à certaines SSII. Mieux : ils l'habillent d'un concept de langage aux néologismes pseudo-techniques plus agréables, et d'une double légitimité de « formation » et d'« expérience » auxquelles les candidats ne font l'effort de croire... que s'ils n'ont pas d'autre choix ailleurs. « Régie ne veut pas dire travail temporaire » « Le client n'est plus dupe de ces subtilités et ne voit pas pourquoi il serait honteux de faire de la régie. Encore faut-il s'entendre sur le terme ! Régie ne veut pas dire travail temporaire. Une SSII n'est pas une agence d'intérim », répond Nicolas Chabrier qui annonce un très faible taux de turn-over dans son entreprise « car la technologie est au coeur de notre système et que nous proposons aux personnes d'évoluer en permanence ». Selon lui, travailler en régie n'est pas perçu comme une punition si et seulement si les personnes sont formées en amont, c'est-à-dire dans les locaux de l'entreprise, avant de commencer une mission. Autre axiome : que la SSII reste attentive aux avancées professionnelles du salarié et que la régie soit une étape dans une carrière, le salarié demeurant celui d'Evaluant. « Certes, nous n'avons que 25 collaborateurs », souligne Nicolas Chabrier qui a pris soin de ne pas succomber aux sirènes d'une expansion incontrôlée de sa structure, même s'il ouvre une douzaine de nouveaux postes cette année. « L'aspect financier est un critère pour faire venir les bons candidats, mais le plan de carrière et surtout l'aspect technologique en sont d'autres que les entreprises ne doivent pas négliger en période de recrutement. Le côté « développement durable » d'une entreprise avec des collaborateurs qui font leur carrière en son sein, tantôt en régie, tantôt au forfait, tantôt en R&D, n'est pas un mythe, mais ne peut se concevoir qu'avec une éthique et des valeurs qu'il faut prendre en compte. A Evaluant, nous essayons de garantir un niveau identique, homogène, à nos collaborateurs », conclut-il. Dans un marché de l'emploi de plus en plus tendu comme c'est le cas actuellement, où les talents sont traqués, le président d'Evaluant pose les bases de ce qui différencie les entreprises dans leur approche des candidats. Mais quid des structures plus importantes pour parvenir au même résultat et faire rimer éthique, régie et SSII ?