Les promesses sur la façon dont l'IA générative va changer nos vies sont arrivées rapidement. Cette technologie sera capable d'écrire le Grand Roman Américain (the Great American Novel), de composer des symphonies et volera des millions d'emplois. Elle effectuera notre travail à notre place, aidera les régimes autoritaires à diffuser des informations erronées et finira par devenir une menace existentielle pour l'humanité. Autant d'affirmations qui font autant envie que peur tant le pouvoir de l'IA paraît infini. Mais contrairement à de nombreuses technologies surestimées, l’IA générative a prouvé qu'elle pouvait générer des revenus importants. Sam Altman, le CEO d'OpenAI, à l’origine de ChatGPT, a récemment revendiqué en interne des ventes annuelles en hausse de 30 % depuis l’été, franchissant ainsi le seuil de 100 millions de dollars en chiffre d’affaires mensuel selon nos confrères de The Information. Pour le média, « ce chiffre d’affaires, issu en grande partie des abonnements à son agent conversationnel dopé à l'IA, représente une croissance remarquable depuis que l’entreprise a lancé une version payante de ChatGPT en février ». En 2022, l’entreprise n’avait déclaré « que 28 millions de dollars » (26,5 millions d’euros) de chiffre d’affaires.

De son côté, Microsoft a promis d’investir 10 milliards de dollars dans OpenAI, sans compter les sommes que l'entreprise consacre à l'IA en interne. Google, Facebook, Amazon et d'autres investissent des milliards de dollars supplémentaires. Les startups spécialisées dans l'IA sont apparemment valorisées à plus d'un milliard de dollars du jour au lendemain. Aussi, lorsque l’auteur et contributeur de Computerworld Preston Gralla a mis la main sur Copilot pour Windows, il s’attendait « à de grandes choses ». L'outil est en effet l’occasion pour l'éditeur de faire un coup d'éclat, de montrer comment l’IA générative pouvait améliorer le système d'exploitation pour PC de bureau et portables le plus populaire au monde, installé sur environ 1,4 milliard d'ordinateurs. Avant le lancement de son outil, la firme a ainsi promis que Copilot serait capable « de créer plus rapidement, d'accomplir des tâches avec facilité et de réduire la charge de travail - en rendant simples des tâches autrefois compliquées ».

Copilot, un assistant aux fonctions limitées

« Dire que j'ai été déçu serait sous-estimer l'ampleur de ma réaction. Tout d'abord, il n'apporte pas la moindre nouvelle fonctionnalité à Windows. Les choses que vous pouvez faire avec Windows qui inclut Copilot sont exactement les mêmes que celles que vous pouvez faire avec Windows sans Copilot » admet Preston Gralla. Il remarque par ailleurs que cela ne facilite en rien l'utilisation de l'OS. « Il ne peut vous aider à accomplir que les tâches les plus élémentaires. Que peut-il faire ? Si vous souhaitez utiliser le mode sombre, vous pouvez lui dire "Activer le mode sombre" et répondre "Oui" quelques secondes plus tard lorsque Copilot vous demande de confirmer que vous souhaitez l'activer. Cela vous évite d'aller dans Paramètres > Personnalisation > Couleurs, puis de choisir le mode sombre dans le menu déroulant du paramètre "Choisissez votre mode" » donne-t-il en exemple. Copilot peut également aider n’importe qui à changer l'image de son écran de verrouillage ou l'arrière-plan de son bureau. Mais au-delà de ces tâches si peu complexes, l’outil s’avère limité, note Preston Gralla.

« Il y a d'innombrables choses pour lesquelles il ne vous aidera pas. Demandez-lui de vous connecter à un réseau WiFi, par exemple, et au lieu de faire apparaître les bons paramètres, il ne vous proposera qu'une série d'instructions, qui sont exactement les mêmes que celles que vous obtiendriez en utilisant le chatbot de Bing » poursuit-il. L’un de ses tests montre d’ailleurs clairement les fonctions limitées de Copilot. « Lorsque je lui ai demandé de vérifier les mises à jour de Windows, au lieu de vérifier les mises à jour, il a lancé un programme de dépannage qui m'a aidé à résoudre les problèmes liés à la mise à jour de Windows, alors que je n'avais aucun problème à ce niveau ». Plus curieux encore, lorsque Preston Gralla a demandé à l’outil son nom, ce dernier a répondu : « Je m'appelle Bing. Je suis un mode chat de Microsoft Bing, un moteur de recherche sur le web qui peut vous aider à trouver des informations, des images, des actualités et bien plus encore ».

Qu'est-ce que cela signifie pour l’avenir de l’IA générative ?

Le constat est sans appel : après avoir dépensé des milliards de dollars, Microsoft a mis au point une IA qui ne connaît même pas son propre nom, et qui insiste de manière obstinée pour qu'on l'appelle par le mauvais nom, même lorsqu'on lui fait remarquer qu'il n'est pas correct. Ce n’est pas ce que l’on peut appeler un bon retour sur investissement. Selon Preston Gralla, la piètre performance de Copilot pour Windows est davantage due à un échec de Microsoft qu'à la technologie elle-même. « L'IA peut réellement être une technologie transformatrice lorsqu'elle est utilisée correctement. Mais Microsoft doit modérer le battage médiatique autour de l'IA et ne promettre que ce qu'elle est en mesure de tenir ».

Et si Copilot pour Windows n’est pas le seul outil dopé à l’IA que Microsoft est en train de mettre en place, espérons que les autres seront plus performants. La firme prévoit en effet un Copilot pour Microsoft 365 (disponible pour tous depuis le 1er novembre), un autre pour la sécurité (Security Copilot), et des variantes pour d'autres services. Preston Gralla ajoute que l’IA générative ne peut à elle seule simplifier l'utilisation de Windows. « C'est un système d'exploitation vieux de près de 40 ans qui présente beaucoup de complexité, de confusion et d'illogisme. Il ne suffit pas d'y ajouter un bot d'IA générative pour y remédier ». Pour ce faire, il aurait fallu y consacrer le temps et le travail nécessaires.

Comme le souligne Chris Hoffman, journaliste IT et auteur d’une newsletter sur Windows, Microsoft n'a jamais fait le nécessaire pour intégrer véritablement Copilot à Windows lui-même. Cela aurait nécessité l'écriture d'API spécifiques que l'IA aurait pu utiliser pour de nombreuses tâches. Si Microsoft l'avait fait, alors lorsque l’on demande à Copilot de faire quelque chose pour soi, il lancerait un appel à l'API et ferait ce que l’on veut, au lieu de chercher une réponse sur Internet et de la renvoyer. « Microsoft a décidé de ne pas faire cet effort, et le résultat est un échec. Ce ne sera pas le premier, non seulement pour la firme, mais aussi pour d'autres. De nombreuses entreprises profitent de l'engouement pour l’IA générative. Elles vous promettront le soleil, la lune et les étoiles, mais ne vous livreront pratiquement rien » conclut Preston Gralla.