L’espace est-il en train de devenir aussi pénible que la Terre lorsqu’il s’agit de la circulation ? C’est en tout cas ce que laisse entendre la Chine après avoir déposé plainte le 3 décembre dernier auprès des Nations Unies. La Chine accuse en effet SpaceX de non-respect du Traité de l’espace, ratifié en 1967. La note adressée au Secrétaire général de l’ONU précise les faits suivants : « Notification par la Chine en vertu de l'article V du Traité sur l'espace extra-atmosphérique concernant l'évitement préventif des collisions entre la station spatiale chinoise (désignation internationale 2021-035A) et les satellites américain Starlink-1095 (désignation internationale 2020-001BK) et Starlink-2305 (désignation internationale 2021- 024N). Elle comprend de plus amples détails sur ces collisions évitées de justesse par la station spatiale chinoise TianHe (« harmonie céleste »). Il s’agit de deux « rencontres rapprochées avec la station spatiale chinoise » ayant eu lieu respectivement le 1er juillet et le 21 octobre 2021.

Une manœuvre répétée deux fois face aux satellites Starlink

Lancé le 19 avril 2020, Starlink-1095 a manœuvré de manière continue jusqu'à une orbite d'environ 382 km, puis s'est maintenu sur cette orbite entre le 16 mai et le 24 juin 2021, précise la note. Une rencontre rapprochée a eu lieu entre Starlink-1095 et la station spatiale chinoise le 1er juillet 2021. « Pour des raisons de sécurité, la station [chinoise] a pris l'initiative d'effectuer une manœuvre d'évitement dans la soirée de ce jour-là pour éviter une collision potentielle entre le satellite et la station ».

Le deuxième évitement de collision a eu lieu le 21 octobre 2021. Starlink-2305 a alors rencontré de près la station spatiale chinoise. La stratégie de manœuvre était inconnue et les erreurs orbitales étaient difficiles à évaluer, il y avait donc un risque de collision entre les deux engins spatiaux et la station chinoise a effectué une seconde fois une manœuvre destinée à éviter toute collision. SpaceX précise que les satellites sont dotés d’un logiciel autonome destiné à éviter des collisions, et à s’écarter d'eux-mêmes si les satellites soupçonnent qu'ils peuvent s'approcher d'un autre véhicule ou d'un débris. Pourtant, dans les deux cas, le satellite n’a pas changé sa trajectoire.

Les Etats-Unis tenus pour responsables

A la suite de quoi la Chine a demandé au Secrétaire général des Nations Unies de « faire circuler les informations susmentionnées à tous les États parties du Traité sur l'espace extra-atmosphérique et de porter à leur attention que, conformément à l'article VI du Traité, « les États parties au Traité assument la responsabilité internationale des activités nationales dans l'espace extra-atmosphérique, y compris les activités de recherche et de développement » ». De fait, la Chine accuse indirectement les Etats-Unis, tenus pour responsables des satellites Starlink, et rappelle le principe selon lequel les Etats signataires du Traité doivent « veiller à ce que ces activités nationales soient menées conformément aux dispositions énoncées dans le présent Traité ».

 

Cette infographie de l'agence spatiale chinoise revient sur l'accident qui l'oppose à  SpaceX.

Le réseau satellitaire « encombrant » de SpaceX

En 2019, SpaceX a lancé ses premiers satellites et ouvert son programme d'abonnement Internet en mode bêta à 99 dollars par mois. L'objectif de la firme d'Elon Musk est de proposer un service Internet par satellite : la firme a livré plus de 100 000 récepteurs. Ces derniers peuvent se connecter au réseau Internet reposant sur près de 12 000 satellites en orbite terrestre basse (1 944 ont été lancés à ce jour).

Toutefois, ce réseau pourrait rendre l'orbite terrestre plus encombrée et augmenter la probabilité de collisions avec des satellites déjà dans l'espace. L’épisode raconté par la station spatiale chinoise est loin d’être le premier. En septembre 2019, un satellite européen a dû changer sa position en orbite pour éviter une collision potentielle avec l'un des satellites Starlink. A l’époque, SpaceX n'a ​​pas déplacé son satellite, « blâmant un bug informatique qui empêchait une bonne communication avec l'ESA (agence spatiale européenne) ».