Mastercard s'est associé avec la startup Envisible, un fournisseur de logiciel de traçabilité des produits alimentaires, pour proposer une plate-forme logistique basée sur la blockchain afin de permettre à des supermarchés partenaires d’assurer la traçabilité des produits de la mer. Ce système de traçabilité Wholechain d'Envisible sera alimenté par le service blockchain Provenance de Mastercard. Grâce à ce service, les partenaires pourront avoir un meilleur aperçu sur la filière d'approvisionnement et savoir si les produits de la mer vendus dans leurs magasins respectent des règles de production éthique et de conformité environnementale.

Saumons, morues et crevettes tracés

Les 15000 supermarchés, membres de la centrale d’achat Topco, et la chaîne Food City en particulier, seront les premiers à utiliser cette solution supply chain basée sur la blockchain. Le suivi concernera d’abord le saumon, la morue et la crevette. « Certaines chaînes logistiques sont plus fragmentées, ce qui complique la traçabilité de bout en bout », a expliqué Deborah Barta, vice-présidente senior, Innovation et Startup Engagement, de Mastercard. « Nous nous sommes dits qu’une blockchain permettrait aux consommateurs de suivre l'origine des produits, de vérifier la conformité environnementale et la qualité éthique de la production, et finalement de tracer de bout en bout les produits qu'ils achètent ».

Le système Wholechain d’Envisible permet un suivi de la « qualité de production ». « Il ne sert pas de PoC et ce n’est pas non plus un projet pilote », a précisé Mme Barta. En scannant, avec la caméra de leur smartphone, les QR codes qui seront ajoutés aux produits de la mer vendus dans les magasins affiliés à la centrale d’achat Topco, les clients pourront savoir où le poisson a été pêché et suivre son acheminement jusqu'au magasin.

Un regard vers le marché de l’industrie et de la mode

« Mastercard envisage d’appliquer la même solution pour suivre la provenance des vêtements de créateurs, des articles de luxe et de bien d'autres produits encore », a déclaré l’institution bancaire. Au mois d’avril, lors du lancement de son service blockchain Provenance, Mastercard prévoyait d’abord de l’utiliser pour suivre la chaîne de production de certains acteurs de l'industrie de la mode. « Mastercard essaye de mettre un pied dans le très lucratif marché - 125 milliards de dollars - des paiements interentreprises en misant sur l'un des cas d’usage les plus réussis et les plus prometteurs de la blockchain, celui de la provenance. « Ici, elle permet d’assurer le suivi des produits de mer, c’est-à-dire de produits sensibles, qui doivent être traités avec beaucoup de précaution pendant leur transport », a expliqué Avivah Litan, vice-présidente de la recherche de Gartner. D’après une étude réalisée par Gartner en 2019 à travers le monde, sur 850 projets de blockchain environ, il apparaît que les projets relatifs à la provenance et les cas d’usage de suivi des actifs sont de plus en plus populaires et, comparés à d’autres cas d’usage de la blockchain, comme la gestion d'identité/connaissance du client (KYC), le financement commercial, le trading, le vote et autres, ils passent plus rapidement en phase de production pilote et restreinte.

Un pont avec le système de paiement

« Mastercard s'attaque aussi de front à Visa dans le domaine des paiements B2B, puisque Visa a déjà lancé un produit blockchain supportant les paiements B2B », a fait remarquer Mme Litan. « La solution de Mastercard semble aussi concurrencer la blockchain de monnaie fiduciaire stable JP Coin de JP Morgan Chase et d'autres initiatives similaires du secteur bancaire », a-t-elle ajouté. « Les entreprises affiliées à la chaîne logistique Wholechain d’Envisible pourront, grâce à un ensemble d'API, se connecter au système de paiement de Mastercard », a encore déclaré Deborah Barta. Ce qui signifie qu'elles seront non seulement en mesure de suivre l’acheminement des produits, mais aussi d’effectuer des paiements pour ces produits. Le système de paiement de Mastercard peut supporter jusqu'à 25 000 paiements par seconde.

« La blockchain permet des paiements beaucoup plus efficaces et plus rapides que ce que permettent les réseaux actuels », a encore expliqué Mme Litan. « La blockchain offre également aux participants la visibilité nécessaire sur le flux de paiement de bout en bout, ce qui évite des litiges et des règlements coûteux ».  Le service de Mastercard et d’Envisible est également une blockchain hybride, avec, d’un côté, des données B2B transmises à travers une blockchain autorisée et de l’autre, des informations destinées aux consommateurs sur une blockchain publique ou ouverte qui peut être téléchargée comme une application mobile. Ce modèle de blockchain hybride devrait dominer le commerce électronique.

En concurrence avec IBM

Voilà plus d'un an qu’IBM teste en mode pilote son offre Food Trust basée sur une blockchain où sont également impliqués Topco, Carrefour et des détaillants comme Walmart. Selon Martha Bennett, vice-présidente de la recherche chez Forrester, Wholechain est à bien des égards un concurrent de Food Trust, la technologie de suivi et de traçabilité des produits alimentaires d'IBM. « De plus, le suivi des aliments en général et le suivi des produits de la mer en particulier, font partie des cas d’usage les plus répandus et l’on peut dire que ce secteur est déjà encombré. Au moins une demi-douzaine de réseaux (sinon plus) se chevauchent également sur le plan géographique », a-t-elle déclaré par courriel.

Plus tôt ce mois-ci, IBM a signé un partenariat avec Raw Seafoods Inc. pour lancer un service pour les produits de la mer basé sur la blockchain. Cette offre regroupe plusieurs acteurs, comme des pêcheurs, des distributeurs, des détaillants et des restaurateurs. Dans un premier temps, elle sera utilisée pour suivre les coquilles Saint-Jacques. « Parmi les différents segments de niche de la chaîne logistique, celle des produits de la mer a beaucoup à gagner en visibilité, car ces produits sont toujours parmi les plus susceptibles d’être contrefaits », a déclaré IBM dans un communiqué. Plus tôt cette année, une étude réalisée par la fondation pour la conservation des océans, Oceana a révélé qu'un produit de la mer testé sur cinq avait été mal étiqueté. Pour son enquête, Oceana a prélevé plus de 400 échantillons dans 250 lieux répartis dans 24 États et le district de Columbia.

Ce partenariat de plateforme logistique n’est pas la première incursion de Mastercard dans la blockchain. En 2017, l’organisme bancaire avait ouvert l'accès à sa plate-forme blockchain via des API disponibles sur le site Mastercard Developers. L’entreprise a testé et validé sa solution et utilise sa plate-forme sur le marché B2B pour répondre aux « défis de rapidité, de transparence et de coûts des paiements transfrontaliers ». « La technologie blockchain de Mastercard complétera les capacités existantes de l'entreprise, notamment les cartes virtuelles, Mastercard Send et Vocalink, afin de prendre en charge tous les flux de paiement transfrontaliers et B2B, qu'ils soient basés sur un compte, une blockchain ou une carte de crédit », a déclaré la société dans un communiqué. En septembre, Mastercard s'est associé à R3, une entreprise spécialisée dans la technologie blockchain. Créée par un consortium de 300 banques et autres sociétés, R3 servira à mettre en place un système de paiement transfrontalier basé sur la technologie du registre distribué.