Récemment, le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer (MIOM) et l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) ont lancé officiellement les travaux du consortium européen baptisé Potential pour l'expérimentation de l'identité numérique à l'échelle européenne. Une association de taille qui regroupe pas moins de 38 ministères, 34 opérateurs d’Etat, 9 centres de recherche, 51 grandes entreprises et 12 start-ups, tous issus de 19 pays Etats membres de l’Union européenne ainsi que l'Ukraine. Cette expérimentation, qui s’inscrit dans le cadre du programme pour une Europe numérique, fait suite à une initiative lancée par la Commission européenne le 24 février 2022 sous forme d’appel à projets. Appel auquel a répondu la France, et plus précisément le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer et l’ANTS.

Potential, officiellement lancé avec la Commission européenne le 1er avril dernier, se concentre sur des tests autour du déploiement d’un portefeuille d’identité numérique. L’objectif : simplifier et sécuriser les démarches en ligne des citoyens européens, faciliter le traitement des démarches par les services de l’administration et lutter contre l’usurpation d’identité. Côté financement, c’est l’UE qui prend en charge ce test à grande échelle – sous forme de subvention – à hauteur de 16 millions d’euros. La feuille de route déclinée sur deux ans doit tester et démontrer l’efficacité des solutions nationales dédiées à l’identité numérique et leur caractère interopérable à l’échelle européenne au travers de six cas d’usage.

Six cas d’usage pour une identité dématérialisée

Le premier cas d’usage concerne l’accès aux services publics électroniques qui offre aux citoyens les moyens de prouver leur identité sur les services gouvernementaux en ligne en vue de favoriser et de simplifier leurs démarches administratives en ligne. Le second point, qui fait notamment partie du plan de lutte contre la fraude bancaire, concerne l’ouverture de compte courant, d’épargne, et dépositaire en ligne visant à sécuriser l’identification des citoyens au moment des démarches. Le troisième orienté téléphonie est l’enregistrement de carte SIM permettant aux citoyens de prouver leur identité au moment de l’ouverture d’une ligne téléphonique.

D’autres démarches doivent être dématérialisées, à l’instar de la signature électronique qualifiée à distance pour des contrats qui requièrent une preuve d’identité, toujours dans l’objectif de lutter contre la fraude. Le secteur médical n’est pas en reste puisque la prescription médicale sera également testée de façon dématérialisée afin que les usagers puissent accéder à leurs données de santé et autoriser un accès à leurs informations de prescriptions médicales aux personnels habilités. Enfin, le développement d’un « compagnon numérique » du permis de conduire sur un téléphone portable est prévu. Il constitue ainsi « une preuve du droit à conduire pouvant être utilisée par les forces de sûreté intérieure et par les agences de location de voiture » précise le ministère.

Un permis de conduire dématérialisé dès 2024

A l’échelle française, Gérald Darmanin a indiqué ce 17 juillet, à l’occasion du Comité interministériel de la sécurité routière, que le permis de conduire dématérialisé sera disponible durant l’année 2024. Selon le Gouvernement, « l'objectif n'est pas de remplacer de manière dématérialisée un permis physique, qui sera toujours disponible pour tous les citoyens mais d'avoir parallèlement un permis dématérialisé, par exemple, sur son téléphone ».

En parallèle, à partir du 1ᵉʳ avril 2024, en lien avec le ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, l'exécutif supprimera la vignette assurance verte : il n'existera donc plus de vignette assurance à apposer sur le véhicule. Si ces deux points font partie d’un ensemble de 38 mesures destinées à améliorer la vie des usagers de la route, il n’en reste pas moins la question de la protection des données personnelles.

Et la protection des données dans tout ça ?

En effet, pour proposer cela, le Gouvernement passe par France Identité, son application qui « a vocation à prolonger les usages de la carte d’identité dans le monde numérique, mais aussi à en permettre d'autre dans le monde physique ». Ainsi, les futurs usagers présenteront un permis de conduire dématérialisé accessible sur leur téléphone mobile – disponible sur iOS et sur Android – aux contrôles routiers ou lors de la location d’un véhicule. Deux manières doivent être mises à disposition pour importer le permis dans l’application : scanner le QR code présent sur le relevé d’information restreint (RIR), récupérable depuis le site Télépoints, ou importer directement ses droits à conduire depuis France Identité, qui interrogera alors la base de données de la Délégation à la sécurité routière.

Comme l’indiquent nos confrères de France Info, « les données seront stockées dans des serveurs contrôlés par la Cnil, sans recoupement d’informations possible avec nos autres données. En cas de contrôle, il suffira de présenter son téléphone aux forces de l’ordre ». Rien n’a été communiqué quant à l’entreprise qui hébergera ces serveurs géants mais il pourrait s’agir d'Oodrive, Scalingo ou encore de l'offre cloud Nubo opérée par la DGFiP pour l'ensemble des ministères. En tout cas, ce qui est certain, c’est qu’avec ce permis numérique, toute personne commettant une infraction au code de la route dans un pays européen sera vite retrouvée...

Voilà à quoi pourrait ressembler la connexion NFC qui s’établit entre le téléphone mobile de l’usager et l’appareil du représentant des forces de l’ordre (Crédit : France Identité)

Un calendrier étalé sur 26 mois

Concernant l’agenda, la construction puis les tests du portefeuille d’identité numérique européen s’étendront sur une période de 26 mois et comprendront deux phases. La première doit éprouver les solutions nationales avec des tests conduits, jusqu’en octobre 2024. La seconde concernant des tests transfrontaliers visant à sécuriser le caractère interopérable des différentes solutions. « Notre ambition commune, est qu’à partir de juin 2025, le portefeuille d’identité numérique devienne le compagnon d’identité des citoyens français et européens permettant de garantir la sécurité de leurs démarches auprès, par exemple, des administrations, des banques, des opérateurs téléphoniques, du corps médical, tout en gardant la maîtrise de leurs données d’identité » conclut le ministère de l’Intérieur et des Outre-mer.