Après plus d'une semaine de controverse sur une affaire de bidonnage supposé de curriculum vitae, Yahoo a annoncé hier que Scott Thompson n'était plus le PDG de l'entreprise. Ce dernier a été remplacé provisoirement par Ross Levinsohn, qui dirige le pôle média au niveau mondial . Celui-ci occupera la fonction de PDG par intérim jusqu'à ce que le conseil d'administration lui trouve un remplaçant permanent. Yahoo a également annoncé que Fred Amoroso était nommé président du conseil d'administration. Ces changements entrent en vigueur immédiatement. Embauché au début du mois de janvier, Scott Thompson est le troisième dirigeant nommé à la tête de Yahoo en un peu plus de trois ans, et ce dernier incident va sans doute prolonger les turbulences auxquelles l'entreprise est confrontée. Outre ce remaniement au niveau de la direction, l'entreprise a également conclu un accord pour mettre fin à une course aux procurations menée par l'actionnaire Daniel Loeb qui dirige le fonds d'investissement Third Point, propriétaire de Yahoo à hauteur de 5,8% environ. C'est lui qui a révélé le bidonnage du CV de Scott Thompson et qui en a informé la SEC américaine (Securities and Exchange Commission), jetant le trouble au sein de l'entreprise. Daniel Loeb et deux des quatre personnes qu'il a soutenues pour des postes de directeurs siègeront au conseil d'administration. Les deux autres sont Michael J. Wolf et Harry Wilson. Enfin, l'ancien patron de NBC, Jeff Zucker, quatrième candidat proposé par Daniel Loeb, est retenu comme nominé du Conseil d'administration. « Cinq membres actuels du conseil d'administration qui devaient quitter leurs fonctions lors de la prochaine réunion annuelle de l'entreprise démissionneront de leurs postes mercredi », a indiqué Yahoo. En plus du président non exécutif Roy Bostock, remplacé par Fred Amoroso, il y a Patti Hart, VJ Joshi, Arthur Kern et Gary Wilson. « Le Conseil est heureux d'annoncer ces changements et l'accord conclu avec Third Point, et est convaincu qu'ils serviront les meilleurs intérêts de nos actionnaires et vont  accélérer les progrès substantiels que l'entreprise a faits sur le plan opérationnel et organisationnel depuis le mois d'août », a déclaré Yahoo dans un communiqué.

Une controverse mal gérée ? 

Jeff Kagan, un analyste indépendant spécialisé dans le secteur des technologies, estime pour sa part que le départ de Scott Thompson est le résultat « d'une controverse mal gérée ». Selon lui, ces dernières années, Yahoo « a du faire face à un certain nombre de difficultés et ce nouvel incident n'a fait qu'aggraver les choses pour l'entreprise ». Celui-ci prédit que « cette pagaille autour de son PDG va entraver Yahoo pendant plusieurs trimestres au moins ». Scott Thompson était précédemment un des dirigeants d'eBay. Il a été spécialement recruté par Yahoo pour ramener l'entreprise sur la bonne voie après des années de changements au niveau de la direction, des performances financières inégales, la pression concurrentielle de Google et, plus récemment celle de Facebook. Mais le nouveau dirigeant a voulu faire nommer ses propres candidats - dont lui-même - au niveau du conseil d'administration et c'est dans ces circonstances que le Conseil a découvert que celui-ci ne possédait pas les diplômes en comptabilité et en informatique inscrits sur son CV et dans les documents financiers de l'entreprise.

Scott Thompson a bien essayé de calmer le jeu en disant que la responsabilité en revenait au cabinet de chasseurs de têtes Heidrick and Struggles. Selon lui, l'erreur date de l'année 2000 , à l'époque où il était dans la course pour devenir président de PayPal, propriété d'eBay. Toutefois, Heidrick and Struggles a répondu que c'est n'était non seulement « faux, mais vérifiable ». Le cabinet a indiqué au conseil d'administration de Yahoo qu'il avait entre les mains une copie du CV que Scott Thompson avait soumis, dans lequel était mentionné son diplôme en sciences informatiques. Le nouveau PDG aurait également rencontré par deux fois des responsables de Yahoo pour tenter d'éclaircir la question, et, dans un communiqué publié par Yahoo, il s'est excusé du fait que des questions posées par son curriculum vitae aient pu « détourner l'attention ». Toutefois, ses tentatives ont échoué et n'ont pas réussi à mettre fin à la controverse.

CEO de Yahoo, un poste à haut risque 

Scott Thompson avait été embauché au mois de janvier pour remplacer Carol Bartz à la tête de Yahoo, lequel a été remercié par le conseil d'administration en septembre dernier. Le conseil lui reprochait son approche abrupte et son langage familier lors de prises de paroles publiques. L'entreprise en difficulté avait d'abord bien accueilli ces traits de caractère du nouveau PDG, les qualifiant même de bouffées d'air, mais elle a rapidement changé d'avis à ce sujet. Carol Bartz avait elle-même été embauché en 2009 pour remplacer Jerry Yang, le co-fondateur de Yahoo, devenu PDG de l'entreprise mi-2007. Scott Thompson avait rapidement pris des mesures pour essayer de redresser l'entreprise en déclin, comme la suppression de 2 000 emplois et des changements dans son mode de gestion. Au premier trimestre, les résultats de Yahoo ont dépassé les estimations des analystes et l'entreprise a également affiché des recettes en augmentation, la première fois depuis plus de trois ans, renforçant l'espoir que la société était sur la bonne voie.

Mais Daniel Loeb n'était pas satisfait de l'approche du nouveau PDG et a commencé sa campagne publique de dénigrement pour faire chuter le CEO. Au mois d'avril, celui-ci faisait valoir que Scott Thompson n'aurait pas du annoncer des suppressions d'emplois avant d'avoir fourni des éléments plus détaillés à l'entreprise. Selon lui Yahoo aurait dû aussi accepter la précédente proposition de rachat de Microsoft.

La nouvelle selon laquelle Yahoo allait bientôt annoncer le départ de son CEO est apparue en premier lieu dimanche sur le blog All Things D publié par le Wall Street Journal. Le New York Times lui a peu après emboité le pas,  ajoutant même que l'annonce pourrait avoir lieu dès lundi. Le conseil d'administration a tenu une conférence téléphonique dimanche pour débattre du sujet. Et trancher.