Du fait de problèmes complexes imprévus et d'un coût trop élevé, IBM et le National Center for Supercomputing Applications (NCSA) de l'Université de l'Illinois ont décidé, d'un commun accord, d'abandonner leur projet de construire un supercalculateur pétaflopique pour les États-Unis.

C'est en 2008 qu'IBM avait démarré un contrat nommé « Blue Waters » pour développer un supercalculateur sur quatre ans. Ce projet de 208 millions de dollars est arrivé à son terme le 6 août dernier. IBM devait livrer la première version du système autour de l'année prochaine. Mais la technologie innovante finalement développée par le constructeur était beaucoup plus complexe que prévue et nécessitait un soutien financier et technique très conséquent, au-delà de ce que Big Blue avait initialement prévu, ont expliqué les deux partenaires dans une déclaration commune. « Le NCSA et IBM ont cherché ensemble plusieurs solutions pour maintenir la participation d'IBM dans le projet, mais n'ont pas réussi à trouver un terrain d'entente, satisfaisant pour chacun, sur la voie à suivre. »

IBM rend les sommes reçues et NCSA le matériel

La firme dirigée par Sam Palmisano va restituer l'argent reçu à ce jour pour le projet et le NCSA va rendre le matériel à IBM. Mais les deux parties ont promis de travailler ensemble sur de futurs projets pétaflopiques. « C'est rare d'entendre dire que les montants allouée pour un projet sont restitués, surtout dans le cas de contrats gouvernementaux », a déclaré Rick Doherty, directeur de Envisioneering Group, une société de recherche en marketing et d'évaluation dans le domaine des technologies. 

Financé par la National Science Foundation et l'Université de l'Illinois, le projet Blue Waters avait pour but de construire super-ordinateur sur la base d'un processeur Power7 capable de réaliser 10 puissance 15 (un million de milliards) d'opérations à virgule flottante par seconde, soit un petaflop. S'il avait été achevé, il se serait placé dans les premiers au classement semestriel Top 500 des supercalculateurs les plus puissants au monde. Le NCSA pensait offrir aux chercheurs la possibilité d'utiliser son supercalculateur pour effectuer des simulations complexes, des modélisations ou encore pour mener des travaux très gourmands en calcul pour la physique, les sciences des matériaux, la météorologie, la biologie et d'autres domaines encore.

Un abandon qui n'est pas si surprenant

Pour certains, l'abandon du contrat n'est pas tout à fait surprenant. « IBM a engagé beaucoup de ressources dans le projet », a affirmé Rick Doherty. Big Blue, qui a fourni des logiciels, du matériel et du personnel pour mener à bien le projet, escomptait récupérer une partie de son investissement en vendant des technologies qu'elle développait pour le programme. Finalement, sa stratégie s'est avérée trop onéreuse. « Ce n'était pas un choix rentable pour IBM », a estimé le directeur d'Envisioneering Group.

L'autre défi auquel IBM et le NCSA ont peut-être également été confronté, c'est de devoir faire face à un paysage technologique en permanente évolution. « Le domaine pétaflopique et les 'big data' aujourd'hui, c'est un peu l'équivalent de la recherche sur les voyages spatiaux il y a 40 ans, inconnu et sauvage », a expliqué Rick Doherty. Au cours des quatre dernières années, « les performances techniques ont explosé », jusqu'à parvenir à faire passer la puissance de calcul à l'échelle du pétaoctet, « avec l'utilisation de GPU (processeurs graphiques) à faible énergie », a ajouté Rick Doherty. « Le programme Blue Waters nécessitait sans doute d'être redéfini pour mettre à profit ces nouvelles évolutions ». Mais ces adaptations ont fait « grimper le coût de réalisation au-delà de ce que IBM pouvait supporter », estime-t-il. IBM n'a pas souhaité s'exprimer à ce sujet en dehors du cadre de la déclaration faite conjointement avec le NCSA.

Illustration : projet Blue Waters (crédit : NCSA)