Les ventes de livres électroniques représentent en France moins de 1% du marché. Plus précisément, ces résultats ne dépasseraient pas 0,1 % dans l'Hexagone, précise le SNE. Le secteur des ebooks commence à peine à se mettre en place. Les lecteurs semblent, quant à eux, encore réticents, notamment en ce qui concerne le prix des livres électroniques qu'ils jugent excessif. D'autant qu'avec les DRM intégrés aux ebooks, il est impossible de prêter ou de donner un ouvrage numérique à un ami. Alors que pour beaucoup le plaisir de la lecture passe également par le partage.

Le réveil des éditeurs

Encore limitée, l'offre commence toutefois à s'étoffer. Les éditeurs, longtemps critiqués pour leur immobilisme, développent progressivement leur réponse numérique. C'est le cas du groupe Hachette, qui en s'offrant Numilog, premier agrégateur de livres numériques francophones, propose un catalogue de 50.000 titres issus d'une centaine de maisons d'édition. De même, le portail Epagine.fr offre un panel de 3.000 titres d'une quarantaine d'éditeurs, dont Gallimard, Le Seuil, Flammarion ou encore Eyrolles.

Au total, selon le SNE, sur 500 à 800.000 titres publiés en version papier en France, un peu plus de 50.000 sont disponibles en format numérique, soit 10 % de l'offre actuelle. Ces chiffres seraient même surestimés pour certains observateurs dans la mesure où ils incluent les fichiers PDF qui ne sont généralement pas lisibles sur un simple lecteur électronique. Pour Minh-Son Nguyen, consultant en charge du numérique au Salon du livre, 15.000 à 20.000 ouvrages seulement seraient lisibles actuellement sur les lecteurs d'ebooks. Mais, ce catalogue se constitue chaque jour un peu plus. Le rythme lent de cette remise en page numérique à grande échelle s'explique par le coût d'une telle opération pour les éditeurs qui espèrent pour beaucoup une aide financière de la part de l'Etat.

La guerre reste ouverte entre les supports

Depuis l'arrivée des ebooks readers en France, notamment avec le Sony Reader en 2008, une guerre concurrentielle s'est ouverte entre les constructeurs. Du Kindle d'Amazon, aux Cybooks de Booken, en passant par la Nintendo DS, le Nook de Barnes and Noble aux Etats-Unis, l'iPad d'Apple qui sera lancé dans l'Hexagone le mois prochain, les lecteurs adeptes de nouveaux gadgets devraient trouver leur compte. Reste à savoir quel sera la perennité des différents supports. Faute de vrai succès, Sony ne risque-t-il d'abandonner le marché comme il l'a fait hier avec un autre de ses couteux gadgets, le chien robot Aibo.

Les géants du Net, notamment Google et Amazon, ne sont pas en reste. Le premier a déjà numérisé plus de 12 millions d'ouvrages, sans l'accord des éditeurs et des ayants droits. Le second propose avec son Kindle une bibliothèque de livres numériques en ligne. De son côté, Apple lancera dans le courant de l'année son "ebook store". Face à l'assaut de ces groupes issus de l'Internet, les États tentent de s'organiser et de numériser, eux aussi, le patrimoine littéraire pour le mettre à la disposition du public sur un micro-ordinateur et accessoirement un lecteur électronique. Pour les ouvrages en français, le site Gallica de la Bibliothèque Nationale en est l'une des rares initiatives françaises.

Un cadre juridique à définir

Outre le nombre d'ouvrages disponibles en format électronique et l'organisation du marché entre les différents acteurs, de nombreuses questions restent en suspens. Le 22 mars dernier, Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication, a précisé les grandes orientations de l'État sur les questions du livre numérique lors du Conseil du livre. Il a notamment proposé "un accord aux auteurs et aux éditeurs pour la création d'une véritable offre numérique alternative à Google Books par l'utilisation d'une partie des crédits du Grand Emprunt national pour redonner vie aux centaines de milliers d'oeuvres du XXème siècle désormais indisponibles à la vente", indique le communiqué de presse. Le ministre a aussi rappelé la nécessité de réduire le taux de TVA sur le livre numérique.

Le tarif des livres numériques demeure encore en chantier. En France, le prix unique issu de la loi Lang devrait s'appliquer pour ne pas déstabiliser l'écosystème. A l'étranger, la question des tarifs est loin d'être résolue. Certains éditeurs n'hésitant pas à proposer des téléchargements gratuits ou des promotions sur certaines plateformes. Enfin, la question des droits numériques devra être approfondie et précisée pour répondre aux questions des auteurs. Certains, notamment dans le domaine de la bande dessinée, interpellent les pouvoirs publics et les éditeurs avec des pétitions en ligne comme "l'appel du numérique", créé le 20 mars dernier, et déjà signé par plus de 500 artistes. Ces derniers indiquent qu'ils "n'autoriseront plus l'exploitation des droits numériques de leurs livres tant qu'un groupe de travail entre auteurs et éditeurs, sous l'égide du ministère de la Culture, ne sera pas mis en place pour définir ensemble les règles du jeu du livre numérique, et tant que leurs questions et revendications sur ce sujet n'auront pas eu de réponses satisfaisantes".

Ce secteur en devenir pose de nombreuses questions ouvertes. Mais il ouvre aussi des opportunités non négligeables pour le marché du livre. Une chance qu'ont d'ores et déjà saisie certains éditeurs. Arnaud Nourry, PDG d'Hachette Livre, confiait le 22 mars dernier au journal Les Echos : "D'ici cinq à sept ans, le numérique pourrait donc peser de 10 à 15 % du marché. Et ce marché sera sans doute réparti dans chacun des principaux pays entre cinq ou six acteurs comme Apple, Google, Amazon et des distributeurs nationaux".