Trois questions à Yvan Béraud, secrétaire national de la F3C CFDT en charge du pôle conseil et publicité et président de l'observatoire des métiers et des compétences de la branche Syntec. Il fait le point sur les études lancées par Syntec informatique et sur la nécessité de poursuivre à la rentrée les débats et les négociations sur les salaires et la formation professionnelle. Lemondeinformatique.fr : le syntec informatique et les partenaires sociaux lancent des études prospectives sur le métier de développeur et sur les éditeurs de logiciels. Quel est impact attendu de ces initiatives pour les salariés du secteur ? Yvan Béraud. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, nous connaissons mal la population de notre secteur, y compris le nombre exact de salariés qu'elle représente. Nous en avons toutefois beaucoup de représentations. Ces études vont nous permettre de confronter ces représentations à la réalité et d'adapter notre travail en conséquence. Nous avons choisi le métier de développeur car il représenterait 40 à 60% des effectifs des informaticiens et s'avère très marqué par des changements liés aux évolutions technologiques. Il y a une vingtaine d'années, tous les informaticiens commençaient par faire de la programmation avant d'évoluer vers d'autres fonctions (support, management, etc.). Cette période de « classes » commune à tous donnait une unité dans la profession et créait les bases de l'existence d'un corps social des informaticiens. Cette unité est mise à mal par l'avènement du progiciel qui transforme le développeur en assembleur de briques ou en programmeur d'interfaces si l'on prend l'arrivée du traitement de texte comme Word. Parallèlement, tous les jeunes diplômés ne commencent plus par faire du développement. L'unité sociale de ce groupe de professionnels n'est donc plus la même. Il nous faut l'étudier tel qu'il est vraiment aujourd'hui. Le raisonnement est aussi valable pour les éditeurs. Notre vision de cette profession date d'il y a 20 ans alors qu'elle monte en puissance en nombre de salariés. Mieux nous connaîtrons ces populations, mieux on pourra les former et anticiper leurs besoins. Quels sont les grands chantiers et terrains de négociations à ouvrir ou à poursuivre à la rentrée ? L'un des chantiers concerne les politiques de rémunération. Nous sommes dans une période favorable dans laquelle les salaires augmentent. Mais il n'y a pas de politique salariale dans les SSII. Les logiques et les rapports de force individuels dominent pour l'octroi des augmentations. L'emploi est reparti, certains font monter les enchères. De la même façon, les recruteurs accordent des hausses de salaires à ceux qu'ils ont peur de voir partir, tandis qu'ils n'en donnent pas à ceux qu'ils sont sûrs de voir rester. Il faut ajouter à cela l'arrivée de jeunes diplômés qui sont parfois mieux payés que des personnes en poste depuis deux ou trois ans dans le même type de fonction dans une entreprise, ce qui conduit à une déstructuration des logiques salariales. Par ailleurs, certaines SSII présentent des fourchettes de salaires qui vont du simple au double pour un même poste, car elles ont du mal à agir sur leur management pour qu'il applique une politique de rémunération cohérente. Dans ce contexte, pour éviter que la logique individuelle ne continue d'augmenter, il faudrait réguler les politiques salariales et négocier au niveau de la Branche. Les entreprises ont intérêt, pour ajuster leur politique, à négocier avec les partenaires sociaux par exemple pour faire appliquer les classifications. Il y a aussi des chantiers à mener pour favoriser la diversité, en particulier la présence des femmes dans le secteur. Les questions de politique salariale vont d'ailleurs y contribuer. Il n'est pas normal qu'une femme en congé de maternité n'ait pas d'augmentation. Il faut aussi trouver des solutions pour que le turn-over spécifique que l'on constate après l'arrivée d'un premier enfant se résorbe, ce qui peut se jouer au niveau des conditions de travail, mais aussi dans la mise en place de services dans les sociétés pour faciliter la gestion de la vie familiale. Les conditions de prises en charges des périodes de professionnalisation ont dû être recadrées pour permettre à toutes les SSII d'en profiter. Allez-vous faire un point sur l'utilisation des nouveaux dispositifs de la formation professionnelle? Absolument. Nous avons un problème sur la formation car les sociétés ont tendance à avoir une utilisation « tiroir-caisse » des fonds mutualisés pour le développement des compétences. Ils les utilisent au maximum mais ont du mal à se focaliser sur les publics prioritaires définis (les plus de 40 ans et les populations techniques qui sont compétentes sur des technologies obsolètes) comme bénéficiaires. Certains l'utilisent par exemple pour former des jeunes, alors que cela devrait être financé dans le plan de formation de l'entreprise. Globalement, il convient de le recaler. Les représentants patronaux sont d'ailleurs d'accord avec le constat. Le problème vient de la pression que subissent certaines directions des ressources humaines et qui entraîne des dérives.