Les analystes de Forrester n'ont pas de nouvelles très encourageantes pour les fournisseurs IT qui mettent en place leurs premiers cloud en interne. Selon eux, cette infrastructure est susceptible d'échouer. D'un autre côté, les mêmes analystes insistent sur le fait que « c'est une bonne chose, » parce que cet échec permettra de réussir par la suite. « La plupart de ces entreprises ne sont pas encore prêtes à utiliser un cloud interne. Néanmoins, nous pensons que, en 2011, les départements Infrastructure et Opérations (I&O) vont commencer à en déployer un certain nombre. Ces efforts sont très probablement voués à l'échec. Mais grâce à cette première étape et à l'expérience qu'elle apportera, il sera possible d'en tirer de précieux enseignements sur ce qui est vraiment nécessaire pour gérer un tel environnement, » ont écrit les deux analystes de Forrester, James Staten et Lauren Nelson (en illustration principale), dans leur rapport intitulé « 2011 Top 10 IaaS Cloud Predictions pour I&O Leaders » et destiné aux responsables des départements Infrastructure et Opérations.

Clouds privés : les entreprises ne sont pas encore assez matures

Selon Forrester, « il faut plus de maturité dans la virtualisation et des améliorations dans la normalisation, l'automatisation et l'infrastructure pour s'engager avec succès dans la mise en place d'un cloud interne capable de fournir des services équivalents à ceux offerts par des IaaS (Infrastructure-as-a-Service) comme l'Elastic Compute Cloud d'Amazon. » Toujours selon le rapport, « la plupart des entreprises n'ont pas la maturité nécessaire en terme de virtualisation et ne sont pas prêtes à mettre en oeuvre le niveau d'automatisation et de standardisation exigé par un environnement cloud. » Comme l'expliquent les deux experts, « la perspective architecturale change : le cloud met fin à l'architecture en silos, pour un pool unique de ressources permettant deux niveaux de priorité élémentaires - un concept révolutionnaire et un défi pour les gestionnaires I&O. La gestion des meilleures pratiques viendra avec l'expérience, et le plus tôt sera le mieux. En même temps, même si l'infrastructure n'est pas encore prête, mieux vaut ne pas éviter de considérer une telle mise en route. »

Des solutions clouds déjà pérennes

Cela ne veut pas dire pour autant que toutes les tentatives sont vouées à l'échec et qu'il n'y aura pas de success-story. Comme l'a récemment rapporté notre confrère Network World, de grandes entreprises comme Bechtel et First American Corp ont déjà fait le bilan des avantages acquis grâce à des clouds en interne. De nombreux éditeurs de logiciels comme VMware, Joyent, Red Hat, Platform Computing ou la start-up Nimbula fondée par l'équipe à l'origine d'Amazon EC2, proposent également des outils d'automatisation pour virtualiser l'infrastructure et offrir des fonctionnalités semblables à celle du cloud. Pour ceux qui ne veulent pas mettre en place une nouvelle infrastructure en interne, Amazon, Terremark, Savvis, Rackspace et d'autres proposent également des serveurs virtuels hébergés. Une étude réalisée au cours du troisième trimestre 2010  par Forrester auprès de 1252 décideurs IT en matière de serveurs et de stockage a révélé que 15% d'entre eux prévoient d'acheter des ressources IaaS à Amazon ou à d'autres vendeurs, et 6% ont déjà franchi cette étape. Parmi les entreprises de plus de 20 000 salariés, 20% d'entre elles prévoient d'adopter l'IaaS et 8% ont déjà adopté ce type de solution.

Parmi les points soulevés par le rapport de Forrester on note :

- Dans leurs entreprises, les responsables IT «aguerris» ne doivent pas s'opposer aux adopteurs précoces qui souhaitent acheter de nouveaux services de cloud computing.

- Les cloud privés hébergés par des fournisseurs, avec une offre de ressources dédiées, et non partagées, seront trois fois plus nombreux que les cloud déployés en interne.

- Les cloud publics, mis en place par des associations ou un groupe d'entreprises en vue de partager les coûts, vont se développer dans certains secteurs, notamment la biotechnologie, l'enseignement supérieur et les organismes gouvernementaux.

- Le cloud computing haute performance sera plus largement répandu grâce à de nouvelles applications qui permettent d'accéder à la puissance des technologies de grille sans les complications de leur mise en oeuvre.

- L'économie du cloud va grandement s'améliorer. Les développeurs vont pouvoir créer de petites applications qui pourront, si nécessaire, être élargies pour des usages à grande échelle en fonction des besoins. De nouveaux outils vont permettre de comparer plus facilement les coûts, quitte à avoir recours à plusieurs services cloud pour obtenir le meilleur prix.

- Les outils analytiques du cloud vont stimuler la business intelligence (BI) en proposant des services plus rapides et plus rentables.

- Les nouvelles fonctionnalités de Windows Azure et d'autres nuages vont aider les entreprises à profiter de l'analyse des données, ce qui pourrait potentiellement inciter les clients à devenir eux-mêmes des fournisseurs de BI par une valorisation de leurs données internes et la mise en place de nouveaux services susceptibles de générer des revenus.

- Les normes du cloud vont continuer à bouger en 2011. Cette tendance rend « le marché du cloud... trop immature pour une normalisation. » Cela ne doit pas empêcher les clients d'adopter des services cloud. Ils doivent s'orienter vers des fournisseurs qui ont du souffle et sont suffisamment répandus sur le marché pour ne pas prendre le risque de miser sur un perdant.

- La sécurité du cloud « aura fait ses preuves », mais les professionnels de l'IT doivent analyser attentivement la sécurité, la confidentialité, la conformité, le cadre juridique et contractuel de l'ensemble de leurs applications et ne qualifier que celles qui sont prêtes pour être proposées dans les services cloud. Les utilisateurs doivent aussi se diriger vers des produits « capables de sécuriser les données avant qu'elles ne soient rendues disponibles dans le cloud. »

Illustration principale : Lauren E Nelson, chercheur chez Forrester