Etre « green » ou écolo, ou ne pas être. Telle est la question qui se pose aux fournisseurs du monde informatique. Qui, sous prétexte d'attitude citoyenne, se mettent au vert. Paradoxalement, ce n'est pas de la pression des consommateurs que vient cet engouement pour les technologies vertes, les prix restant le premier critère de choix. D'autres considérations motivent les géants de l'informatique. D'abord une évolution prochaine du cadre réglementaire, qui devrait faire de 2008 l'année écolo. Ensuite, des considérations économiques. Certes, les fournisseurs sont sous surveillance : Greenpeace a commencé dès la rentrée 2006 à titiller les grands fournisseurs de téléphones mobiles et d'ordinateurs. On se souvient aussi du rapport saignant sur Apple, accusé d'utiliser des éléments toxiques. La firme à la pomme déclarera haut et fort au printemps 2007 avoir entendu l'association : Apple serait devenue éco-responsable. L'organisme milite ainsi tout au long de l'année. En septembre, Greenpeace félicite Nokia et épingle Apple et HP. En fin d'année, Nintendo obtient un zéro pointé pour sa Wii et Microsoft 2,7 sur 10. Toujours est-il que les recommandations et admonestations de Greenpeace n'auraient pas autant de poids si elles ne coïncidaient pas avec des préoccupations très terre à terre. Ainsi, si auparavant dans une salle de serveurs, le mètre carré représentait un élément majeur du coût, la consommation électrique est devenue en 2007 le critère majeur dans la facture globale. D'autant que plus les serveurs consomment, plus ils chauffent, et plus il faut refroidir la salle, en consommant encore de l'électricité. Or, si en France l'électricité reste une denrée relativement accessible et de qualité, il n'en est pas de même dans certains pays comme les Etats-Unis - notamment en Californie, qui a connu de sévères coupures - ou la Grande-Bretagne. Un hébergeur comme Telecity Redbus teste par exemple la pile à combustible pour pallier les déficiences du réseau électrique. Refroidir les data centers autrement qu'en utilisant de l'électricité devient en tout cas une priorité. Le projet Green Roof vise par exemple à planter des arbres sur le toit des salles de serveurs afin d'en rafraîchir l'atmosphère. Plus généralement, les fournisseurs s'interrogent sur la façon de réduire la consommation des data centers au sein du projet Green Grid. Une des pistes étudiées sera la virtualisation, qui est censée permettre d'utiliser toutes les capacités d'un serveur, et non quelques pour cent comme c'est le cas la plupart du temps. On apprend par ailleurs dès janvier que le label Energy Star pourrait désigner les serveurs les plus écolos. Deux mois après, HP se dit prêt pour ce futur label Energy Star 4.0. L'attitude citoyenne, écologique, dite éco-responsable, devient en effet un élément essentiel de la communication des entreprises de l'informatique. En particulier chez Big Blue, qui se transforme peu à peu en Big Green : en avril, IBM annonce qu'il proposera en option des mémoires Flash à la place de disques durs dans ses serveurs lames, car ils consommeraient 95% d'électricité en moins. Le mois suivant, IBM dit vouloir investir un milliard de dollars pour les économies d'énergie, c'est le lancement officiel du projet Big Green. Dans ce projet figure le remplacement de multiples serveurs par des mainframes dans les propres data centers d'IBM, car les mainframes seraient moins gourmands en ressources... et ils représentent une belle opportunité commerciale. Fin novembre, des « IBM fellows » feront le déplacement à Paris pour exposer leurs services et technologies écolos. Pas en reste, Microsoft s'associe à la Fondation Clinton, en annonçant son intention de développer des logiciels à destination des métropoles mondiales afin qu'elles puissent contrôler leurs émissions de carbone. Brocade se sert de l'argument écologique pour vanter ses produits par rapport à ceux de Cisco. Ricoh indique profiter de la journée mondiale de l'environnement pour sensibiliser ses employés. Vexé d'avoir été tancé par Greenpeace, l'Indien Wipro dit qu'il suivra désormais la directive européenne RoHS (Restriction on Hazardous Substance) qui interdit l'usage de certains produits dangereux pour l'environnement. Sun ouvre openeco.org, un site communautaire qui calcule, analyse et compare l'émission de gaz à effet de serre des entreprises, tandis qu'Intel lance LessWatts.org, communauté qui a pour but de réduire la consommation des composants dans tous les systèmes sous Linux. On peut encore citer Dell, qui lance un concours pour favoriser le développement de technologies vertes. Marketing ou véritable attitude citoyenne, quoiqu'il en soit, concluait Forrester dans notre dossier sur la « Green IT », tout le monde y viendra. On notera d'ailleurs que l'informatique verte sera un des principaux thèmes de l'édition 2008 du Cebit.