À l’heure où nous écrivons ces lignes, il n’existe pas en France d’obligations strictes pour réduire les émissions de GES (Gaz à Effet de Serre) liées au numérique à l’exception de la loi AGEC relative à la lutte contre le gaspillage qui cible uniquement les services publics et qui les obligent à consacrer annuellement 20 % de leurs achats IT (ordinateurs, imprimantes, écrans, etc.) dans du matériel recyclé ou reconditionné. À cela s’ajoute la loi REEN (ou Chaize, nom du sénateur qui a déposé une proposition de loi le 12 octobre 2020) qui consiste à encadrer un peu plus l’obsolescence programmée, mais sans réelles mesures contraignantes.  Sans être une réglementation d’engagement à réduire les émissions de GES, il faut aussi ajouter l’article 229-25 du code de l’environnement obligeant les entreprises de plus de 500 salariés, les collectivités de plus de 50 000 habitants et certains établissements publics (plus de 250 agents) et services de l’État à établir un bilan global de leurs émissions de gaz à effet de serre, un bilan qui prend bien sûr en compte le numérique. Et pour faire ce bilan, les entreprises s’alignent sur des publications et des méthodes très détaillées (Scope I, II et III, ISO 14069, etc.) portées surtout par l’ADEME, l’Association Bilan Carbone (ABC), le Cigref, etc.

Certaines sociétés, qui ne sont pas encore éligibles (moins de 500 salariés), le font aussi d’elles-mêmes surtout pour garantir et promouvoir leur réputation. Et pour cause, l’ensemble de la société civile a pris conscience de toutes ces interrogations et problématiques liées au réchauffement climatique. Par exemple, de plus en plus de consommateurs achètent des produits et des services en fonction de leur impact sur l’environnement et sont donc plus attentifs aux entreprises qui les commercialisent. De même, les RH font face à des candidats plus exigeants sur l’engagement de l’entreprise en termes d’environnement. Cette réputation, les entreprises la soignent et ne veulent plus passer pour des attentistes ou au pire pour des pollueurs.

Plein d’outils pour mesurer son bilan carbone…

Aujourd’hui, un certain nombre d’outils permettent de mesurer son bilan carbone, qu’ils soient liés au numérique comme Greenmetrics ou plus globaux comme la solution Sami. « Sur ce marché naissant, il existe de nombreuses plateformes accessibles en Saas, plus ou moins avancées », confirme par ailleurs Guillaume Colin, VP Carbone de Sami. La plateforme Sami permet de créer son bilan carbone en collectant et analysant une multitude d’informations (entre autres celles liées au numérique), mais propose aussi des recommandations pour améliorer ou compenser son bilan. Idem pour Greenmetrics qui est, en revanche, une plateforme SaaS exclusivement dédiée au numérique. Hormis ces plateformes dédiées, les entreprises peuvent très bien établir leur bilan carbone en s’aidant simplement d’un tableur Excel ou, pour celles qui en ont les moyens, en se faisant accompagner par un cabinet externe. Pour affiner la précision des calculs dans ces outils, parfois très aléatoires notamment dans les mesures liées à l’usage du cloud, ces plateformes, via des API et connecteurs, peuvent s’ouvrir à des logiciels tiers et/ou complétés à ceux des services providers qui produisent les propres données.

… plein d’organismes dédiés et un référentiel abouti

Dans son engagement proactif vers un numérique responsable, une entreprise peut également se rapprocher vers l’un des nombreux organismes (associations, fédérations, communautés, think-tank) qui existent en France comme Green IT, Alliance Green IT (AGIT qui publie entre autres le baromètre annuel Green IT), Numeum Planet Tech’Care (déjà 500 signataires de leur charte), INR (Institut Numérique Responsable qui, en partenariat avec l’agence Lucie, délivre le label NR de référence). Ces organismes publient donc des livres, des études, des guides…, organise des événements (ateliers, conférences, etc.) et mettent aussi à la disposition de leurs membres des outils, des méthodes et même un référentiel. En effet, le consortium constitué de LCIE CODDE Bureau Veritas, APL Data Center, DDemain et GreenIT.fr a élaboré, il y a peu, le premier référentiel, baptisé NegaOctet, destiné à calculer les impacts environnementaux du numérique tout au long du  cycle de vie. « NegaOctet est une base de données complète, validée par l’ADEME, avec des mesures concrètes. Depuis cette base, vous pouvez par exemple consulter quels sont les équipements impliqués dans une simple action de recherche sur Internet et connaître leur consommation », explique Thomas Mesplede, chargé de mission au sein de l’AGIT qui soutient ce référentiel. NegaOctet vient d’ailleurs compléter d’autres référentiels RSE (responsabilité sociétale des entreprises alignées sur la norme 26000) comme EcoVadis. « Si la RSE agit au niveau organisationnel de l’entreprise (achats, R&D, relations clients-fournisseurs, etc.), le référentiel NegaOctet cible les produits et les services dans une logique quantitative. Une entreprise qui s’engage dans la décarbonation doit pouvoir quantifier et comparer. Et pour cela, utilisons le même outil, nous serons plus à même de fixer des seuils et des gradients », précise Marie-Elisabeth d’Ornano, responsable centre expertise ACV  (Analyse du Cycle de Vie) – Ecoconception chez Bureau Veritas France.