Le réseau social professionnel Linkedin a fait son entrée officielle en Chine avec un site bêta en chinois qui se conforme aux strictes règles du pays sur la censure en ligne. Jusque-là, il se présentait aux utilisateurs locaux essentiellement dans sa version en anglais. Il compte déjà 4 millions d'abonnés sur place. Avec le nouveau site, baptisé Lingying et lancé hier, Linkedin vise 140 millions de membres dans le pays (il en totalise 277 millions dans le monde).

C'est une arrivée tardive sur le sol chinois pour la société d'origine américaine. Le Français Viadeo y a développé une présence active depuis de nombreuses années, notamment par l'acquisition en 2007 de Tianji.com, principal réseau social professionnel. Aujourd'hui, Viadeo réunit 17 millions de membres en Chine et 55 millions dans le monde (il est présent en Inde avec ApnaCircle).

Le CEO Jeff Weiner s'explique dans un billet


Pour s'installer, l'entreprise a donc accepté de suivre les règles controversées édictées par la Chine en matière de censure. Celles-ci exigent généralement que les sites locaux filtrent les contenus politiquement sensibles, soit en supprimant les messages de l'utilisateur, soit en limitant certaines recherches ou en fermant les comptes des utilisateurs. Jeff Weiner, CEO de Linkedin, s'en explique dans un billet. Il rappelle que Linkedin soutient la libre expression et qu'il est en désaccord avec la censure exercée en Chine. Mais après s'être entretenu de la question avec des experts, parmi lesquels des chefs d'entreprise et des groupes de défense des droits de l'homme internationaux, la société a décidé qu'elle pourrait faire davantage en aidant les utilisateurs chinois en leur apportant des opportunités économiques.

« L'extension de notre service en Chine soulève des questions, mais il est clair pour nous que c'est la bonne décision », juge Jeff Weiner en assurant que le réseau se montrerait transparent sur ses pratiques en Chine. On ne sait pas si son engagement sur les règles de censure en ligne affectera son site en anglais. En février 2011, Linkedin a été brièvement bloqué au moment du printemps arabe.

Des acteurs locaux bien implantés


Concernant la progression de Linkedin en Chine, l'obstacle le plus important viendra des acteurs Internet locaux, estime Ben Cavender, analyste du cabinet China Market Research Group, interrogé par nos confrères d'IDG News Service. De nombreux utilisateurs d'Internet chinois recourent à des réseaux sociaux tels que Sina Weibo et WeChat, non seulement pour communiquer avec leurs amis et accéder aux actualités, mais aussi pour trouver du travail. Chacun de ces deux acteurs locaux affiche 300 millions de membres.

Par ailleurs, de nombreux utilisateurs potentiels de Linkedin en Chine, en particulier ceux qui parlent anglais et recherchent des postes l'international, sont déjà sur le site, fait remarquer Ben Cavender. Pour assurer sa croissance, l'Américain devra contact offrir une solide base de contacts et des opportunités de postes pour les utilisateurs parlant chinois. Il pourrait tout à fait y parvenir, estime l'analyste. « Ils sont déjà bien établis dans les plus grandes villes, Shanghai, Beijing, mais cela leur prendra du temps de bâtir une base utilisateurs sur d'autres marchés. La version du site en chinois leur permettra de le faire ».

Limiter les abus en bloquant l'accès au profil et scrutant les visites


Parmi les récentes améliorations apportées au réseau social, il est maintenant possible, comme l'avaient demandé certains utilisateurs, de ne pas recevoir d'offres d'emploi, ni de messages, et d'interdire à certains membres l'accès à leur profil. On active la fonction à partir du menu de la page profil. Linkedin permet aussi de personnaliser plus finement quels éléments de son profil pourront être pris en compte par les moteurs de recherche et qui pourra voir les modifications effectuées.

Avec ces outils, le réseau veut réduire le spamming sur ses utilisateurs et les abus. Il a par ailleurs ajouté des fonctions d'analyse, par exemple sur les consultations de son profil. Les utilisateurs pourront maintenant savoir si les visiteurs viennent de Linkedin ou du moteur de recherche Google. Le site listera aussi les mots-clés ayant conduit à visiter un profil.