« On en a pris une, vous allez en recevoir deux ! » La formule, du député UMP Christian Vanneste, moque l'attitude du groupe majoritaire à l'Assemblée sur le dossier Hadopi. Fâché d'avoir essuyé l'affront du 9 avril - les députés avaient alors rejeté le texte de compromis élaboré par la commission mixte paritaire - le parti présidentiel revient à la charge et n'entend pas faire dans la demi-mesure. Réunis hier, les membres de la commission des lois se sont ainsi à nouveau penchés sur le projet de loi. Un réexamen qui prend pour point de départ le texte tel qu'il avait été adopté avant son passage devant la commission mixte paritaire (CMP). Cette séance a donné le ton de ce que devraient être les débats en deuxième lecture : la ligne suivie sera dure. « Le groupe UMP a décidé d'utiliser la situation politique pour faire passer le texte. On a transformé un débat intéressant en épreuve de force », résume Christian Vanneste. De fait, les amendements retenus par la commission des lois montrent que la majorité présidentielle n'a retenu du coup de théâtre du 9 avril que le coup politique des socialistes et pas l'opposition de nombreux députés aux mesures portées par le texte. La double peine réintroduite, l'amnistie oubliée Après que Nicolas Sarkozy eut vigoureusement sermonné ceux qu'il juge comme responsables de la débâcle - le secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, Roger Karoutchi, et le président du groupe UMP à l'Assemblée, Jean-François Copé - ce dernier s'est empressé de sonner le tocsin pour rassembler ses troupes. Dans une missive adressée aux édiles UMP, il indique que « ce n'est désormais plus la teneur de ce texte qui est en cause. Ce qui importe c'est le problème politique créé par son rejet surprise et par le comportement absurde de l'opposition. » Disciplinés, les élus de la majorité ont entendu le message : « Tous les membres de la commission des lois étaient présents hier, rapporte Christian Vanneste. Y compris ceux qui ne connaissent rien au texte et qui ne s'y étaient jamais intéressés. » L'auguste aréopage s'est employé à réintroduire l'une des mesures les plus contestées du projet de loi, que les députés avaient abandonnée avant qu'elle ne soit réinscrite à la hussarde par la CMP : la double peine. Un internaute sanctionné par l'Hadopi pour des faits supposés de téléchargement illégal risque ainsi, non seulement de voir son abonnement à Internet suspendu, mais encore de devoir continuer à verser le prix de ce service interrompu à son fournisseur d'accès. Dans la même veine répressive, les députés ont rejeté l'idée d'amnistier les internautes susceptibles d'être condamnés en attendant l'application de la loi en gestation. La mesure aurait pourtant été empreinte de bon sens puisqu'elle mettrait un terme à une responsabilité pénale disproportionnée avec la faute commise : aujourd'hui, selon les termes de la loi Dadvsi, un internaute téléchargeur risque trois ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende. Selon nos informations, la commission des lois a néanmoins eu le bon goût de repousser un amendement soumis par Franck Riester, le rapporteur du projet de loi. Il prévoyait de mettre en place un système de surveillance des pièces jointes aux communications électroniques - typiquement, des courriels - au motif que les atteintes aux droits d'auteur peuvent être commises par cette voie. Heureusement pour les détracteurs de la loi Création et Internet, les amendements retenus par la commission des lois devront être discutés lors des séances prévues entre le 29 avril et le 14 mai. Le texte ira ensuite au Sénat avant de revenir, si besoin, à l'Assemblée à laquelle reviendra le dernier mot.