Suite au rachat de Business Objects par SAP, nous continuons à interroger les experts du marché. « J'interprète cette acquisition comme un véritable virage pour SAP, un changement important dans sa stratégie », estime Jean-Michel Franco, directeur des offres internationales chez Business & Décision et ancien collaborateur de l'éditeur allemand. Pour lui, ce rachat constitue d'abord pour SAP la première véritable acquisition d'une base de clients (NDLR : Business Objects en compte 44 000 dans le monde). « C'est un des éléments importants de cette annonce. Pendant longtemps, SAP n'a acheté que des technologies. Puis, il y a eu un premier point d'inflexion avec la tentative de rachat de Retek (NDLR : finalement soufflé au nez de SAP par Oracle). Ensuite, même si l'acquisition d'OutlookSoft, au printemps, pouvait se lire comme une acquisition technologique, il s'agissait aussi de la plus grande base installée rachetée par SAP, avec des clients importants dans des comptes Microsoft. » Des synergies sur certains marchés Ce rachat signifie aussi que SAP cherche à avoir d'autres points d'entrée sur le marché, hors du progiciel de gestion intégré (PGI ou ERP). « Sur des projets décisionnels, il est possible d'entrer par la petite porte dans une entreprise, contrairement au projet d'ERP classique », rappelle Jean-Michel Franco. Il considère par ailleurs qu'il existe, en France, des synergies sur certains marchés entre BO et SAP, dans le secteur public, notamment. L'implantation de Business Objects dans les PME est également un élément important, à un moment où SAP cherche à conquérir ces entreprises. « BO a un bon réseau de distribution indirecte et a réalisé un bon travail d'insertion dans les régions », estime Jean-Michel Franco. Que Business Objects se maintienne comme entité indépendante ne l'étonne pas. « Ce serait très surprenant qu'il n'en soit pas ainsi », commente le directeur de B&D. « C'est effectivement un rachat différent des autres qui apporte à SAP plusieurs points d'entrée dans les comptes. Cela a du sens que BO reste autonome, tant pour les nouveaux clients que pour la base installée auprès de laquelle il faudra justifier l'ajout de fonctionnalités en étant plus pointu qu'avant. » Pour lui, les applications analytiques seront l'un des principaux enjeux. « Dans l'offre de BO, il y a quatre ou cinq axes -notamment sur la qualité des données, l'ABC (activity based costing), la consolidation, qui se positionnent clairement en complémentarité de l'offre de SAP sans qu'il y ait besoin de gros travaux. » Quid d'IBM, de HP et de l'Open Source ? Interrogé sur la concurrence de Microsoft, Jean-Michel Franco voit l'éditeur de Redmond avancer à petits pas sur ce marché. « Jusqu'à présent, il a été très patient dans ce domaine, une acquisition serait pour lui un changement stratégique ». En revanche, il s'interroge sur les intentions d'IBM. Va-t-il rentrer dans la course ? « Beaucoup d'observateurs considèrent qu'IBM va devenir un acteur de la BI. » Sur ce terrain, un fournisseur comme HP pourrait avoir aussi son mot à dire. « Les autres offreurs se positionneraient alors comme spécialistes apportant des solutions complémentaires. » Enfin, Business & Décision regarde de très près les offres BI en Open Source qui arrivent, celle d'Ingres, notamment. « L'Open Source peut être un modèle de rupture intéressant », pronostique Jean-Michel Franco. Il cite en exemple le cas du CRM, un marché qui, en se consolidant (rachat de Siebel par Oracle, notamment) a donné du champ à un éditeur comme Salesforce qui proposait un nouveau modèle. « Il a clairement bénéficié de la concentration. » A suivre, donc.