« Le monde numérique est l’objet d’une prise de conscience politique récente. Cela passe d’abord par la lutte contre les dérives des grands groupes privés, les Gafam, la promotion des modèles alternatifs et l'accompagnement des citoyens dans la révolution numérique ». C’est ainsi que débute l’un des livrets dédiés au numérique de la campagne de Jean-Luc Mélenchon en 2017. 5 ans plus tard, le candidat à la présidentielle 2022 réaffirme le caractère d’« intérêt général de la révolution numérique ». Il appelle ainsi à faire de ce sujet « un bien commun mondial » où la technologie sert le progrès et ne sert pas à créer des inégalités ou restreindre les libertés. En ce sens, Jean-Luc Mélenchon veut garantir le droit à un accès minimal gratuit à internet pour tous et une couverture en fibre de l'ensemble du pays d’ici 2025.

L’enjeu de la fin du déploiement de la fibre est un point crucial sur lequel plusieurs candidats se sont entendus. Son porte-parole, Alexandre Schon, également animateur du groupe thématique numérique au sein de La France Insoumise (LFI), a répondu à nos questions à ce sujet. Le parti prône un recours fort aux pouvoirs publics et « regrette la domination du secteur privé sur le marché des télécoms ». Dans un objectif de nationalisation, il appelle à un dialogue avec les acteurs concernés, Jean-Luc Mélenchon envisageant même le rachat d’entreprises stratégiques comme Alcatel Submarine Networks ou Orange Marine. « Sur le secteur des télécoms, si les acteurs privés sont prêts à mutualiser les moyens, nous pourrons avancer sur une réponse collective avec des prix uniformes, sans augmentation des prix d’abonnement pour les plus excentrés ».

Les logiciels libres, grande bataille du candidat

Sur la question des accès au numérique et des droits qui en découlent, Jean-Luc Mélenchon veut aller plus loin que le règlement européen de protection des données (RGPD) pour agir contre les discriminations entraînées par le traitement algorithmique des données personnelles, notamment en dotant la Cnil de moyens de contrôle efficaces. Il souhaite constitutionnaliser le droit au chiffrement des données et des communications. De fait, cette « maîtrise publique et démocratique d'Internet » se traduit par plusieurs points comme le souligne La France Insoumise : passer sous contrôle public les infrastructures du numérique et des télécommunications mais aussi créer une agence publique des logiciels libres chargée de planifier leur développement stratégique domaine par domaine en identifiant les manques et en finançant les projets-clés.

Le candidat insiste notamment sur la nécessité de généraliser l’usage des logiciels libres dans les administrations publiques et l’Éducation nationale, mais aussi de permettre aux citoyens et aux entreprises l'accès à des services et logiciels en ligne hébergés sur des serveurs français de droit français. Interrogé sur les investissements à faire en faveur des logiciels libres, Alexandre Schon évoque un montant de 100 milliards d’euros nécessaire pour favoriser leur usage au sein de l'Union européenne. Ce dernier insiste sur le besoin de « capitaliser du code pour faire émerger de nouveaux services et gagner en souveraineté. « La commande publique est un vecteur de ce passage aux logiciels libres » ajoute-t-il. Par ces mesures, ce sont les Gafam qui sont bien évidemment visés. Le candidat LFI défend une gouvernance mondiale d’Internet en établissant une agence consacrée à l’ONU et veut garantir l’hébergement des données des services publics français et des entreprises essentielles sur des serveurs de droit français situés en France.

« Connecter tous les citoyens »

Pour faire « une République numérique », le candidat entend bien connecter tout un chacun à Internet et effacer les inégalités qui persistent. Il s’agit notamment de développer des infrastructures publiques et des fournisseurs d'accès à Internet associatifs, informer, sensibiliser aux enjeux de l'accessibilité numérique et accompagner le développement de sites web ou d'applications accessibles à tous. Cela passe également par l’accompagnement vers la dématérialisation des services publics ; le maintien de guichets et de formulaires papier est essentiel tout comme le déploiement d’un service public de proximité « pour accompagner les 20 % de Français en difficulté avec le numérique ».

L’accès ne fait pas tout, il faut également accompagner tous les citoyens dans leurs usages du numérique. La France Insoumise propose donc de faire de la médiation numérique, notamment en direction des milieux sociaux défavorisés et des générations plus âgées. « Chacun doit être capable de comprendre et de maîtriser les technologies numériques, leurs enjeux et leurs usages ». Souhaitant insuffler une dynamique, LFI veut créer des maisons du numérique avec des « répare-cafés, des fablabs, et des projets collaboratifs, pour offrir des formations à l'usage et à la citoyenneté numérique ».

L’excellence à la française

Prenant à cœur la question de la souveraineté et de la réindustrialisation, Jean-Luc Mélenchon veut notamment lancer une mission nationale de maîtrise de l’intelligence artificielle et créer une fonderie française pour microprocesseurs. Avec pour besoin de réduire la dépendance technologique de la France, il promeut donc le développement de la filière des semi-conducteurs. A l’heure actuelle, ces composants sont largement fabriqués par des entreprises américaines, chinoises et japonaises. Conséquence de la pandémie de covid-19, la production a été largement ralentie, allant jusqu’à une pénurie de certains produits.

Le candidat LFI propose également de déployer un cloud français, « pour conserver l’essentiel des données sur le territoire national par des serveurs nationaux et permettre chacun d’avoir accès à des serveurs français ». Il souhaite également renforcer « l’excellence française dans le virtuel et soutenir les créations françaises dans un but émancipateur ». Il propose ainsi de créer un centre national du jeu vidéo et développer une filière publique de formation dans ce domaine. A noter également qu’il veut instaurer une préférence nationale et européenne en réservant une partie des commandes publiques à des start-ups françaises et européennes grâce à un plan de 200 milliards d’euros d’investissements « qui permettront de remplir le carnet de commande des entreprises ». Il annonce par ailleurs vouloir créer un statut bancaire pour la Banque publique d’investissement (Bpi) et proposer une fiscalité allégée pour les TPE et PME.

Renforcer l’écosystème cyber

Dans son programme « l’Avenir en commun », le candidat LFI prévoit de donner un coup de fouet à l’écosystème cyber en constituant notamment une véritable « flotte » de drones sous-marins. Il envisage la négociation d’un nouveau traité de l’espace ou encore l’élaboration d’un droit international cyber afin de faire face à « la sophistication toujours plus grande des attaques cyber et au développement d’armements spatiaux ».

Est par ailleurs envisagé la création d’une conscription citoyenne obligatoire de neuf mois effectués entre 18 et 25 ans, rémunérée au Smic, avec une formation militaire initiale, « qui constituera le socle d’une garde nationale permettant notamment de renforcer les capacités de cyberdéfense de la France ». Enfin, Jean-Luc Mélenchon annonce le renforcement de la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements Pharos.