Peut-on imaginer un numérique compatible avec une vision écologique ? Difficile si l’on en croit le programme du candidat à la présidentielle, Yannick Jadot, également député européen. Ce dernier prône en effet une transition écologique forte. A Station F à Paris le mois dernier, le candidat Yannick Jadot a eu l’occasion de s’exprimer sur le sujet, affirmant ainsi que « la transition écologique se fera avec les entreprises ou ne se fera pas ». Appelant à un grand changement dans la façon d’envisager le numérique à l’avenir, il ajoute que « les grands sujets de demain sont l’écologie et le numérique. Le numérique peut être un levier extraordinaire pour la transition écologique ». Mais qu’entend-il précisément par levier ?

Focus sur l’obsolescence programmée et l’empreinte carbone

Dans son programme, le candidat veut réduire l’impact environnemental du numérique. « Nous instaurerons un budget carbone pour le numérique. La réglementation prendra en compte les impacts du stockage de données sur le climat, l’environnement et l’accès aux ressources naturelles et énergétiques » précise-t-il. Par cette mesure, les Verts souhaitent rendre obligatoire sur les terminaux (téléphones, ordinateurs…) l’information relative à l’empreinte environnementale basée sur l’analyse du cycle de vie du terminal. La durée de garantie des produits devra être passée à 5 ans par défaut, et les équipements modulaires et réparables, respectueux de l’environnement devront être favorisés. Le député évoque une autre proposition, celle de rendre effectif le délit d’obsolescence programmée, évoquée par le Sénat dans une proposition de loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France.

Par ailleurs, le candidat soutenu par Europe Ecologie-Les Verts prévoit que « des règles s’appliqueront également aux logiciels, pour lutter contre l’obsolescence programmée » et soutenir la récupération des matériaux, la réparation, le réemploi et recyclage. Un taux de TVA réduit pourrait ainsi être proposé sur les appareils reconditionnés. « Enfin, nous appliquerons les recommandations du Haut conseil pour le climat au sujet de la 5G, en particulier l’obligation de la maîtrise de l'empreinte carbone pour les opérateurs » est-il précisé. Les Verts ne sont pas fondamentalement opposés à la 5G, mais souhaitent avoir un moratoire pour connaître toutes les finalités. Le parti veut en effet « privilégier les réseaux filaires, dans les locaux, logements, entreprises et services publics ».

« Un usage raisonné du numérique »

S’attaquant aux usages du numérique, Yannick Jadot souhaite garantir à tous et toutes un accès au numérique, devenu une nécessité, à l’instar de l’eau ou de l’électricité. On notera que Valérie Pécresse a également fait cette remarque, l’un des deux candidats s’étant probablement inspiré de l’autre. Face à la dématérialisation croissante de l’ensemble des services sur le plan personnel et au recours au télétravail sur le plan professionnel, la population se doit d’avoir un accès égal au numérique. Le représentant des Verts tient donc à un numérique pour tous respectant les points suivants.

Face au dysfonctionnement actuel de sous-traitance des opérateurs, à l’heure du télétravail, le droit au raccordement est primordial. Pour répondre aux procédures désormais en ligne, la formation des aidants et des habitants est essentielle tout comme l’accompagnement des familles pour un accès égal aux équipements. Par ailleurs, le candidat propose d’utiliser du français facile à lire et à comprendre (Falc) pour les sites de services publics dans un objectif de simplification de l’administration. A l’école, le programme veut renforcer l’usage démocratique et sobre de l’outil numérique. « Nous généraliserons l’usage de l’open data et des logiciels libres et publics pour garantir la transparence et la sécurité des données et donnerons aux enseignants les moyens de former les élèves à un usage raisonné de l’outil numérique ».

Faire face à la concentration des Gafam

« Seule une régulation publique forte permettra de lutter contre la concentration inédite de pouvoir des géants du numériques » détaille-t-il. Critiquant le modèle économique des Gafam, le député veut créer un organisme pour la transparence et l’éthique des algorithmes avec pour rôle de suivre et d’alerter sur les logiciels et algorithmes qui mettent en danger les libertés et le droit à la vie privée. Sur ce point, il souhaite notamment renforcer les moyens de la CNIL. Il estime également nécessaire l’organisation d’un « débat européen autour de l’émergence d’un écosystème numérique diversifié, déconcentré et démocratiquement contrôlé, avec l’instauration de nouvelles normes européennes anti-trust ».

Défendant le droit d’auteur face aux nouveaux usages de la culture numérique, Yannick Jadot mise sur la création d’une mission culture & numérique qui permettra également de relancer le projet d’une « taxe Google destinée à augmenter la contribution des grands groupes internet au financement de la création de contenus en ligne ». La régulation européenne apparaît selon eux comme la bonne échelle pour avoir un débat démocratique et une capacité industrielle à s’imposer, avec un impact assez fort. EELV entend imposer un nouveau rapport de force avec les Gafam, « leur faire payer leurs impôts » étant l’un des points clés de leur programme.

Un point sur la cybercriminalité

Dans une volonté de renforcer les moyens de la lutte contre la cybercriminalité, le harcèlement et la haine en ligne, Yannick Jadot entend refondre la plateforme Pharos (Plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements) destinée au signalement de contenu illicite ou suspect. Cela permettra de ne « pas faire reposer la modération ou la suppression de contenus uniquement sur le secteur privé » estime-t-il, ajoutant vouloir créer notamment une possibilité de pré-plainte en ligne en cas de cyberharcèlement. Il prévoit également de renforcer le budget dans la cyberdéfense, à l’inverse de nombreux secteurs qui tendent à voir leur budget rétréci selon son programme.