Ce 21 février, le Medef – plus précisément Geoffroy Roux de Bézieux, président du Medef – a donné rendez-vous aux candidats à l’élection présidentielle à Station F. L’objectif pour ces derniers : présenter tour à tour leur programme économique, dans un lieu emblématique de l’innovation et de l’investissement. Station F, basé dans le 13e arrondissement de Paris, n’est plus à présenter : cet incubateur inauguré en 2017 regroupe plus de 1 000 start-ups et pas moins de 30 programmes d’accompagnement. Aujourd’hui, les candidats à l’élection présidentielle ont ainsi pu s’adresser directement aux chefs d’entreprises de demain mais aussi à leurs électeurs. Ainsi, Yannick Jadot, Fabien Roussel, Valérie Pécresse, Anne Hidalgo, Marine Le Pen et Éric Zemmour - par ordre de passage - ont fait état de mesures variées : écologie, industrie, souveraineté, relocalisation, mondialisation, commande publique, numérique,… Seul Jean-Luc Mélenchon manque à l’appel, mais ce dernier a déjà eu l’occasion de débattre avec Geoffroy Roux de Bézieux sur France 2.

Premier candidat à se plier au jeu, Yannick Jadot, candidat Europe Ecologie les Verts (EELV), « La transition écologique se fera avec les entreprises ou ne se fera pas ». Le ton est lancé. Pour ce faire, le candidat annonce qu’un investissement de 10 milliards d’euros sera dédiée au bâtiment et notamment à la rénovation thermique des logements ». Il souhaite également que la France retrouve sa souveraineté et promeut un Buy Act européen. « Notre horizon est celui d’une nouvelle économie, robuste, résiliente, souveraine, en phase avec les impératifs de la transition climatique. Aujourd'hui, l'Union européenne n'a pas de politique industrielle ». En ce sens, Yannick Jadot souhaite transformer la baisse des impôts de production en fonds de soutien aux mutations et à l’innovation industrielle avec les conseils régionaux ». Le numérique a été évoqué avec parcimonie. « Les grands sujets de demain sont l’écologie et le numérique. Le numérique peut être un levier extraordinaire pour la transition écologique » a ajouté le candidat EELV.

« Diminuer la facture énergétique des français »

Le Parti Communiste Français (PCF) a également son mot à dire dans l’économie. Son candidat, Fabien Roussel, a fait un constat simple, « il faut baisser le loyer du capital face à un système qui n’est plus soutenable ». Face à la délocalisation, « le bilan est terrible, aujourd’hui 1 million d’emplois perdus » précise Fabien Roussel. Il défend ainsi une relocalisation de la production, « il faut valoriser l’innovation industrielle, développer l’emploi manufacturier, investir dans la formation. Il faut des outils de financement public avec des critères précis à direction des entreprises et notamment des PME ».

L’écologie est également à l’ordre du jour parmi les mesures annoncées par le candidat. « Nous allons diminuer la facture énergétique des entreprises françaises. C'est pourquoi je veux investir dans le nucléaire ». Pas moins de 1 400 milliards d’euros seront ainsi dédiés à la transition écologique, avec pour objectif la rénovation de 700 000 logements par an. Enfin, le candidat PCF a salué le lieu d’accueil, Station F, « la richesse est là, c’est la France » ajoutant vouloir « que les petits payent petit et que les gros payent gros » en évoquant les entreprises et la taxation de ces dernières.

« 2024 marquera le déploiement de la fibre à 100% »

« Parlons de compétitivité. L’Etat doit redevenir votre allié. Il va falloir dépenser moins et travailler plus sur une vie » a annoncé à son tour Valérie Pécresse, candidate pour Les Républicains à l’élection présidentielle. « La dette ne peut pas s’envoler jusqu’au ciel » a-t-elle ajouté. Souhaitant réformer l’Etat, les retraites, l’assurance-chômage et en décentralisant, Valérie Pécresse souhaite une transformation radicale. Dans son programme, elle envisage une suppression de 10 milliards d’euros d’impôts de production, afin de renforcer leur compétitivité et l’attractivité du territoire. Elle souhaite également mettre en place un « comité de la hache » pour simplifier l’administration, la rendre plus facile, suivre sa transformation numérique. Valérie Pécresse a annoncé la volonté d’avoir « un Buy European Act et un Small Business Act, y compris dans le domaine stratégique de la défense ».

Dans cette stratégie, elle annonce vouloir « créer un grand ministère de l’Industrie, de l’Energie et de l’Innovation qui animera une politique de filières ». La candidate a par ailleurs assuré que « 2024 marquera le déploiement de la fibre sur 100% du territoire ». Enfin elle souhaite favoriser l’accès des particuliers à l’investissements ; il s’agit d’une aide à l’investissement de proximité qui est « un crédit d’impôt de 50% pour les particuliers qui investissent dans les entreprises de leurs territoires et dans les villes de moins de 20 000 habitants ». La formation n’est pas en reste, puisque la candidate souhaite, dès la seconde, promouvoir l’émergence de jeunes talents du numérique. Dans le même temps, Valérie Pécresse a annoncé vouloir accélérer la transition digitale des entreprises, sans toutefois faire de proposition plus précise.

« Créer 4 odyssées industrielles »

Valérie Pécresse n’est pas la seule femme candidate à vouloir redonner de l’aplomb au territoire national. Saluant Station F, « exemple de réussite française », Anne Hidalgo, membre du parti socialiste, souhaite « remettre de l’activité sur le territoire ». Elle souhaite donc créer 4 odyssées industrielles dans 4 domaines : la transition écologique en prenant appui sur les énergies renouvelables, la santé, les mobilités, et le numérique – afin d’avoir les infrastructures nécessaires au développement d’une nouvelle économie. Dans ce contexte, la candidate a annoncé vouloir mener une politique de formation extrêmement appuyée avec une généralisation des formations en alternance à partir du bac, en impliquant les régions dans ce programme. Dans le même temps, elle prévoit l’augmentation du Smic dès son arrivée en fonction et l’« égalité salariale sera enfin une réalité sous [son] quinquennat ». Des promesses qui pourraient lui faire gagner quelques électeurs dans cette bataille.

Anne Hidalgo a également évoqué les travailleurs des plateformes telles qu’Uber, Deliveroo, pour ne citer qu’elles, et le besoin de protection et de sécurité de l’emploi pour ces personnes. La candidate est également revenue sur le lieu d’accueil, Station F, glorifiant le travail et la proposition de Xavier Niel de lancer cet incubateur à Paris. Elle est restée favorable aux investissements étrangers, estimant que cela est nécessaire pour l’émergence de champions français. Elle n’a malheureusement pas évité la question qui fâche, à savoir, celle de la régulation des crypto-monnaies. « il va falloir un jour les réguler, au-delà de la question économique, il y a le danger de cette mainmise d’un grand groupe qui a perdu la maitrise de cette monnaie ».

Le nationalisme au détriment de l’innovation ?

« Vous [les entreprises] êtes le poumon de notre économie ». C’est ainsi que Marine Le Pen, la candidate du Rassemblement National (RN) a commencé son discours à Station F. Elle souhaite ainsi constituer des champions, européens, mais aussi mondiaux et renouer avec la prospérité. Replacer les entreprises au cœur de la société, et remettre l’Etat à son juste crédo. La candidate veut « réserver l’essentiel de la commande publique aux entreprises qui créent emploi et richesse chez nous » et inciter à la consommation française. Marine Le Pen veut par ailleurs inciter les jeunes à rester en France et à créer de la valeur sur le territoire. Elle a rappelé sa volonté de supprimer l’impôt sur les revenus pour les moins de 30 ans et d’exonérer d’impôt sur les sociétés pendant cinq ans toute entreprise créée par un jeune de moins de 30 ans.

Enfin, le dernier candidat à présenter ses mesures, Eric Zemmour, candidat Reconquête, a passé la première partie du temps imparti à critiquer le quinquennat d’Emmanuel Macron. S’adressant aux chefs d’entreprises et entrepreneurs, il a poursuivi ainsi, « je vous admire. Je vous admire plus encore quand je vois les conditions économiques dans lesquelles vous travaillez, le système français ne vous facilite guère la tâche : la fiscalité, les taxes, les réglementations nationales et européennes sont autant d’obstacles sur le chemin de votre réussite ». Ainsi, le candidat souhaite aller à la reconquête de la souveraineté économique, et mettre en place « un mécanisme de bons de commande publics européens permettant à chaque Etat d’en réserver une part à ses entreprises nationales ». « Si je n’obtiens pas gain de cause, je le ferai en France », menace-t-il. Plus encore, Éric Zemmour propose une baisse de 30 milliards d’euros des impôts de production.

La souveraineté passe aussi par le besoin d’un numérique souverain estime le candidat. « Nous jetterons les bases de notre souveraineté numérique en faisant émerger des solutions souveraines dans le cloud et la cybersécurité notamment ». Enfin, sur la question de l’emploi de talents étrangers, le candidat s’est vivement opposé à cette idée. « Il y a des talents en France, il faut les former, il faut aller les chercher et on règlera une grande partie du problème » précise-t-il. « J’étais la semaine dernière chez Ledger et eux utilisent des étrangers, mais ils les utilisent chez eux, dans leurs filiales, je trouve ça très bien chez eux mais pas chez nous ». Eric Zemmour estime ainsi que « le problème de la France est l'immigration, même de la main-d'œuvre qualifiée, hyper qualifiée, j'estime qu’il faut arrêter toute immigration ».

Même si l’on peut saluer l’initiative - après celle du Syntec-Ingénierie - et la bonne participation des six candidats, l’exercice de style devant le président du Medef dans un lieu symbolique - la Station F - interroge quand au programme flottant de certains candidats. Que faut-il comprendre des nouvelles prises de position face à un public essentiellement constitué de chefs d'entreprises ? Le principal syndicat patronal français doit-il adouber son candidat favori ? L'auditoire aura été attentif tout au long de ces débats, souriant même à certaines des propositions et il ne fait aucun doute que certains candidats auront su faire rêver les entrepreneurs. Reste un constat évident : la pauvreté des propositions sur le numérique dans un lieu incarnant la start-up nation si chère à un candidat fantôme.