Bernard Liautaud, le fondateur de Business Objects, a été convié par Microsoft à distiller quelques conseils avisés à la sélection de start-up européennes réunies la semaine dernière sur son Campus parisien, à l'occasion de son European BizSpark Summit. Il a créé sa société en 1990 et l'a revendue à SAP en 2007, pour 4,8 milliards d'euros, après en avoir fait un acteur international, numéro un sur le marché des logiciels décisionnels, fort de 6 700 collaborateurs et 45 000 clients. L'exemplarité de son parcours d'entrepreneur, incontestable dans le monde de l'édition de logiciels, se double d'un regard averti sur les entreprises innovantes qui cherchent à percer et à convaincre sur ce secteur. Il est aujourd'hui l'un des associés de la société d'investissement en capital risque Balderton Capital qui a notamment financé l'éditeur Talend. Dans une séance de questions/réponses avec la journaliste Jennifer Schenker, fondatrice d'Informilo, Bernard Liautaud a tout d'abord justifié le bien-fondé d'investir dans de jeunes pousses IT nées de ce côté-ci de l'Atlantique.

Autonomy, leader dans la gestion des données non structurées

« Nous avons su prouver aux sceptiques que nous pouvions construire des entreprises en Europe avec des exemples comme Skype, MySQL ou encore Autonomy, qui occupe une position de leader dans la gestion des données non structurées », a rappelé le patron français. Il constate que l'écosystème [consultants, investisseurs, conseillers juridiques...] a beaucoup changé ces dix dernières années. Il lui semble que la France peut être un bon endroit pour démarrer, les aides gouvernementales [aux entreprises innovantes] y contribuant, notamment. Même si l'Europe n'est pas aussi propice à l'éclosion que la Silicon Valley, on peut y remédier. Lui-même pourrait apporter sa pierre à l'édifice.

Que faut-il faire pour générer ici des champions de la trempe de Google ? Tout se trouve entre les mains des entrepreneurs, assure Bernard Liautaud. Ils doivent nourrir l'ambition d'avoir un impact global. Certaines entreprises ont un très fort potentiel mais elles se contentent du périmètre qu'elles ont conquis. Il faut s'inscrire dans une perspective internationale. Par sa composition, le marché européen diffère sensiblement du marché homogène que l'on trouve aux Etats-Unis. C'est une contrainte que l'on ne peut pas changer. Parmi les composantes qui ont favorisé le succès de Business Objets, le soin apporté au recrutement et l'implantation américaine, moins d'un an après le démarrage, ont été décisifs.

L'entrepreneur doit développer passionnément sa société

En sa qualité d'investisseur en capital risque, Bernard Liautaud recommande vivement aux jeunes entrepreneurs à la recherche d'un financement de ne pas lui parler d'emblée de revendre leur société. « L'entrepreneur doit développer passionnément son entreprise, sans penser à la vendre. » Pour en obtenir la valorisation maximale, il faut au contraire en faire un acteur stratégique que l'on veut acheter, développer sa société en restant indépendant et préparer son introduction en bourse. « MySQL s'est trouvé dans ce cas de figure lorsqu'il a été acheté par Sun, rappelle le patron français. Crystal Decision aussi projetait d'entrer en bourse lorsque nous l'avons acquis. »

Quelques conseils enfin aux candidats en quête de financement : pas trop de « slides » dans le dossier de présentation. Il vaut mieux condenser l'information en se concentrant sur le marché visé et la stratégie produit et marketing (la proposition de valeur). Et ne pas trop insister sur le gigantisme du marché considéré. « Concentrez-vous sur l'essentiel : le développement de la société ».