Le Centre Interarmées de Concepts, de Doctrines et d'Expérimentations (CICDE) vient de publier un bref document de référence de 22 pages sur les réseaux sociaux : « Réseaux Sociaux : nature et conséquences pour les forces armées ». Celui-ci est disponible sur le site du Ministère de la Défense en libre téléchargement. Même si ce travail de doctrine vise à définir la seule politique de l'armée et de ses annexes, il peut utilement inspirer toutes les entreprises et organisations ayant des informations sensibles à protéger.

Le document commence par rappeler les principes et problèmes induits par les réseaux sociaux en ligne, évolution numérique des réseaux sociaux traditionnels tels que définis en sociologie depuis longtemps. Le premier point, qui pose des soucis dans toute structure hiérarchisée (notamment l'armée) est la décentralisation des émetteurs d'informations. Les informations qui circulent ne sont plus contrôlées hiérarchiquement. De la même façon, l'influence d'un émetteur n'est plus liée à sa position hiérarchique et un « officiel » peut voir sa « vérité » aisément contestée. Enfin, les réseaux sociaux numériques s'accompagnent d'une culture de la transparence et de la rapidité. Le document appelle donc les forces armées à faire preuve de réactivité dans leur communication afin de ne pas être débordées par des communications officieuses pas toujours pertinentes.

Gérer les risques liés aux réseaux sociaux

Le but principal du document de doctrine est de définir les risques et opportunités liés à l'emploi des réseaux sociaux. Mais il se tait sur le problème rencontré par les forces des Etats-Unis notamment en Irak, à savoir l'emploi des réseaux sociaux par les militaires de base.

Les risques identifiés comprennent, ce qui est souvent oublié, les risques techniques associés à tous les outils numériques (virus, etc.). Le risque spécifique est cependant lié à la diffusion large d'informations, cela de manière plus, moins ou pas volontaire.

Des informations anodines analysées par datamining sur un certain nombre d'individus peuvent ainsi devenir porteuses de sens. En retour, la diffusion planifiée d'informations hostiles est une arme redoutable de désinformation. Le CICDE mentionne également le risque géopolitique lié au fait que les Etats-Unis sont le pays d'origine de la plupart des outils courants actuels (Facebook, Google+, Twitter...). Pour le CICDE, il y a ainsi un risque sur la souveraineté numérique des autres états.

Les réseaux sociaux, des opportunités pour les forces armées

Mais les réseaux sociaux sont aussi apporteurs d'opportunités pour les forces armées. La première est l'image de l'exploitation hostile du datamining : il s'agit du renseignement.

Malgré le côté décentralisé des émetteurs, la communication institutionnelle peut aussi y être diffusée. La diffusion virale d'un contenu institutionnel est alors clairement une opportunité, un nouveau canal particulièrement efficace de communication à condition de « savoir capter l'attention ». Les forces armées peuvent même utiliser les réseaux sociaux dans un but de propagande avec une dimension affective particulièrement élevée.

Mais le CICDE mentionne également la nécessité d'utiliser les réseaux sociaux en amont ou en accompagnement d'opérations sur le terrain. Cette utilisation pertinente permet ainsi de prendre contact avec les populations locales, les institutions et les organisations non-gouvernementales afin d'éviter des hostilités pouvant être évitées voire de développer des collaborations. Cette dimension collaborative est également jugée comme essentielle dans le cadre d'interventions humanitaires liées à des catastrophes humanitaires.